LE POÈME,LA MUSIQUE LE THÉORÈME
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triangles, cubes, sphère, pyramide
et autres figures de la géométrie,
pensées, dessinées par des regards mortels,
mais qui étaient là bien avant le principe,
sont le monde lisible, sa secrète écriture,
origine et raison de la ronde des choses
l'âge des mutations, fixité sans appui,
qui repose en soi-même, réalité sans ombre.
Le poème, la musique, le théorème,
présences non souillées, nées du vide
édifices sans poids
construits sur un abîme :
dans leurs formes finies tiennent les infinis,
leur symétrie cachée régit aussi le chaos.
Puisque nous le savons, hasard point ne sommes :
racheté, le hasard revient à l'ordre.
Attaché au sol et à l'heure,
éther léger qui ne pèse,
la pensée supporte les mondes, leur poids,
tourbillons de soleils convertis
en poignées de signes
sur quelque feuille de papier.
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OCTAVIO PAZ
(Extrait de Œuvres Complètes)
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Oeuvre Paul Klee