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EMMILA GITANA
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30 juin 2007

ASPASIE

ASPASIE

(...)Ton image revient quelquefois à ma pensée, Aspasie...Par les lieux habités, je la vois luire fugace en d'autres visages; par les campagnes désertes, dans la limpidité du jour ou le silence des étoiles, comme réveillée par une caressante harmonie... ....Aspasie, ce que tu inspiras à ma pensée, jamais tu ne l'as pu imaginer. Tu ignores quel amour démesuré,quels violents chagrins, quels indicibles mouvements et quels délires tu as fait naître en moi; jamais tu ne pourras les mesurer....Maintenant , elle est morte, cette Aspasie que j'aimai d'un tel amour. Elle gît à jamais, celle qui fut le seul objet de ma vie: mais elle revient parfois, fantôme bien-aimé, pour disparaître de nouveau. Tu vis, non seulement belle encore, mais à mes yeux si belle que tu surpasses toutes les autres. Néanmoins s'est éteinte la flamme que tu allumas: ce n'est pas toi que j'ai aimée, mais la divinité à qui mon coeur offrit jadis la vie, et l'oubli aujourd'hui... C'est elle que longtemps j'adorai; sa céleste beauté me touche au point que, même conscient dès le commencement de ta véritable nature, de tes ruses et des mensonges, contemplant ses admirables yeux dans les tiens, je m'attachai à toi tant qu'elle vécut .Dupe non point, mais par l'attrait de cette douce ressemblance persuadé de souffrir un amer et long esclavage. Vante-toi maintenant, car tu le peux. Raconte que tu est la seule femme devant qui j'ai plié ma tête fière, à qui j'ai de plein gré offert mon coeur indompté. Raconte que la première - et, je le voudrais, la dernière - tu auras vu mon regard suppliant, tu m'auras vu, timide, trembler devant toi ( à le redire je brûle de honte et de dépit ), hors de moi, épiant humblement le moindre de tes gestes, de tes mots, de tes caprices, pâlissant de tes orgueilleux dédains, m'illuminant pour une marque de douceur, changeant d'aspect et de couleur à chaque regard. Puis, le charme rompu, mon joug tomba: pour mon bonheur. Et quoique plein d'ennui, après cet esclavage et ce long égarement, je recouvre avec joie la raison et la liberté. Car si la vie dépourvue de passions et de nobles erreurs est une nuit d'hiver sans étoiles, c'est me venger assez du sort mortel que de m'étendre, dédaigneux, dans l'herbe, et de sourire en contemplant la terre, la mer et le ciel....

GIACOMO LEOPARDI

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