LE BONHEUR ( Maroc)
Comme nous avons ri, les jours passés
et nous continuons à rire, nous rions.
Nous ne savons pas comment nous allons pleurer
comment pourraient être des funérailles
dans ce pays en larmes.
Nous rions, rions.
Nous marchons dans la rue
et voilà que la rue est un cercueil.
Nous contemplons les arbres arrêtés dans la rue
les arbres sont des potences d'où nous pendons morts.
Nous regardons les pluies qui tombent sur le coeur
les pluies sont les larmes de tous les tués.
Nous rions, rions.
Nous scrutons nos visages en nous riant au nez
et nous ne les reconnaissons pas même dans le futur.
Nous rions, rions.
Nous nous attablons au café
et voici que le café est une tombe.
Nous buvons le verre de café, le café est du sang.
Nous observons le serveur, c'est un tortionnaire.
Nous regardons la cuiller plongée dans le verre
la cuiller est un micro.
Nous rions, rions
juqu'à ce que la tête se détache du corps
que toutes nos dents tombent
nos mâchoires pourrissent.
Nous rions, rions
jusqu'à ce que nos yeux déversent leur plein de larmes
que les larmes deviennent mer
que les vagues nous emportent vers le fond...
ABDELKRIM TABBAL