THEODORE MONOD...POEME
DIVERTISSEMENT
Chacun se divertit de son mieux :la bouteille,
Le timbre- poste , ou la pétanque, ou la rondeur
D’un sein charmant, les dominos ou la splendeur
Des ors, les Pères grecs, ou le Dante, ou Corneille…
Autant d’êtres, autant de choix et de façons
Pour oublier l’horreur de l’humaine aventure,
Pour refuser d’ouvrir les yeux sur la Nature,
Pour nier de la Mort l’approche et les leçons.
L’un s’en ira noyer son mal dans la prière,
L’autre dans la débauche ou la profession,
L’un chassera la fille et l’autre le lion :
Gibiers divers mais unique objet : se distraire..
Tout est bon quand il faut précipiter la fuite,
Oublier lendemain, aveugler la raison,
Se convaincre que peut perdurer la saison
Des fleurs, et sans espoir reprendre la poursuite.
« Pitoyables malins, pauvres ingénieux,
Allez, venez, courez, agitez-vous sans cesse.
Le ressort est bandé d’un piège qui ne laisse
Nul échapper, pantins, aux rets fallacieux !
Aux ténèbres du soir pêle-mêle entassés,
Cadavres réunis en amical conclave,
Le chaste et le galant, le rieur et le grave,
Vous en irez pourrir aux fraternels fossés.
Tourbillonnez gaiement, battez vos entrechats,
Soyez fort occupés, faites la révérence…
La Mort seule pour vous a fixé l’échéance
Où s’entrebaiseront et nobles et goujats. »
Théodore Monod ( 1933 )