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EMMILA GITANA
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17 janvier 2008

LA CIBOULETTE EN FLEURS


Les marronniers délacent leurs racines. Le vent secoue la tête des lilas pour le plaisir du nez. Tu m'apprendras toutes les autres odeurs, la fragrance du coeur, l'odorat des images, la senteur des mots. Je t'apprendrai le loup, l'érable ou le bouleau. Ils parlent en poètes. Tu m'apprendras la vie. Je reculerai la mort avec ma pelle d'espoir et mon fusil à encre. Je compte les secondes sur les doigts des cailloux. J'ai planté dans le jardin des grains d'éternité, des semences à bonheur. J'ai dressé des lutrins pour la chorale des cigales. J'ai creusé des rigoles pour les larmes du temps. La ciboulette en fleurs a mis son bonnet mauve pour aguicher l'asperge.

Je suis un pèlerin, un insoumis, un nomade. J'ai des terrains si vagues qu'ils touchent aux nuages. J'y accroche mes mots à des élans du coeur. Quelques îlots de sable survivent aux murailles, aux labyrinthes, aux banques, aux impasses parsemées d'angles droits. J'ai mis des pieds aux pattes de chaise et déchaussé les mots. Mes phrases vont pieds nus jusqu'aux marges des fleuves et plongent dans la mer. De la poussière sur les dents, je mords dans le soleil et les pommes de lune. J'arpente l'invisible en voyeur indocile.

Il y a sous les fougères des noces infinies, des bals de rosée, des mariages d'insectes. L'éternité soulève une frange éphémère. La plus petite averse rassure les racines. Le miroir de la peau n'a pas à réfléchir, il est affaire de réflexe. Chaque matin est une boite de Pandore. L'été ramène sa fraise à la bouche des hommes pour éveiller sa faim, sa soif et son désir. La route est un carnet d'adresses mille fois raturé.

Nous conjuguons le feu à l'impératif du coeur. Tu as mis de l'aube sur ma bouche, du baume sur la nuit, le pain du rêve aux étoiles affamées. Tu as sculpté des bâtons de paroles dans les os des muets. On dirait que je parle d'une voix plus physique, d'une offrande plus riche, d'une chair plus nue. On dirait que j'écoute d'une oreille plus vive, que j'entends une source au creux de chaque mot. Je t'apprendrai la rumeur des abeilles, la tendresse des loups. Tu m'apprendras la lune à l'heure des marées.

Tu es une île pleine de mer. J'y pose ma tête sur le sable et j'entends les marées. Je galope hors du cadre dans une houle d'images, une foule de sons, pour ajouter des lettres à l'alphabet du coeur, de l'or dans l'ordure, des douceurs oubliées sur la peu des épines. Nous ajouterons bientôt l'échange du dehors à celui du dedans, la présence à l'absence.

Le sable se souvient d'une plage infinie. Les noix creuses s'inventent des amandes plus douces. Mon loup rêve parfois d'une forêt sans limites comme je rêve à toi. Malgré tant de ténèbres, je regarde en voyant. J'écoute les murmures derrière le mur du son. J'apprends à caresser de loin avec une main chaude, à allumer la mèche à l'autre bout du monde, à verser la tisane dans la tasse des mots.

Les heures qu'on nous offre se vendent à la seconde. Je veux l'éternité. Un homme revenu de la mort en vaut deux, paraît-il. Je suis mort trois fois et je me sens léger comme une page blanche. Il y a sur ton île une source océane plus grande que la mer. Ta ligne d'horizon est un vol d'hirondelle. Tu ne marches pas, tu danses comme un éventail déployé en arc-en-ciel de gestes. Tu es ma femme céleste me léguant l'impossible. Moi qui ne croyait en rien, je crois à tout ce que tu dis. Un souffle nous suffit pour faire la lumière, celui de l'amour fou sans rives ni frontières. Nos pieds nus sur la route sont l'aventure d'une étoile, la bonne étoile. Écartelés entre la chair du rêve et les chimères du réel, nous choisissons la danse sur un fil d'Ariane.

Tu es venue mot à mot ouvrir les fenêtres, foudroyer la raison, enchanter l'horizon, changer l'habit du temps et renverser le ciel sur mes pages en attente. Dès le premier mot, je n'ai plus touché terre. Je m'accroche à la pluie, au soleil, à la lune pour ne pas retomber. Là tout est vertical et monte vers la vie. J'escalade avec toi la montagne du coeur pour regarder le monde avec des ailes ouvertes. J'ai suivi sur ta peau une source d'azur, un fleuve de tendresse, des frissons inconnus dans le plexus solaire. De tout mon coeur, de tout mon corps, je serai qui tu veux.

J'ai déjà su que la vie a des ailes mais je ne savais pas qu'elle était un phénix donnant corps au sublime. C'est un pari de fou de construire un bonheur. Je n'ai que ces dés là dans la grande main des mots. Je joue à la marelle sur un tapis d'étoiles avec un rire de source, de candeur et d'éveil. De mon cheval de bois aux grands chevaux du temps, j'ai gardé pour aimer mon âme d'enfant fou. La tête à la renverse, le corps à l'abandon, le coeur à marée haute, nous nous conduirons mal dans les jardins publics faisant rire les oiseaux et bander l'arc-en-ciel.

Tu as toujours marché au-delà de toi-même, lèvre à lèvre, pas à pas. Je bascule avec toi bien au-delà du monde. Nous montons d'une lumière à l'autre pour toucher l'impossible où les ombres s'effacent. Même le silence au bord des larmes, il n'appartient qu'à nous d'en faire une chanson, une source, une course d'oiseaux. Quand je ferme les yeux, tu ouvres la lumière à l'intérieur de moi. Je sens des papillons qui volent sous ma peau, des fourmis dans les jambes, des frissons dans les doigts, des baisers sur la nuque. Nos atomes s'échappent de ce réel étroit qui enchaîne les hommes. En pleine floraison, les nervures du coeur frémissent de bonheur. Notre maison n'a pas de toit mais des routes infinies.

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JEAN-MARC LA FRENIERE
15 juin 2005

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