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EMMILA GITANA
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23 janvier 2008

FEUILLES D'HERBE...Extrait

...J'ai dit que l'âme n'est point davantage que le corps,
Et j'ai dit que le corps n'est point davantage que l'âme,
Et que rien, ni Dieu, n'est d'aucun plus grand qu'il ne l'est à soi-même,
Et que tel qui marche cent toises sans sympathie se rend à son propre enterrement, revêtu de son linceul,
Et que toi ou moi avec nos poches percées de leur sou vaillant avons loisir de faire achat de la fine fleur de la terre,
Et que le coup jeté d'un œil ou la présentation d'un haricot dans sa cosse confond le savoir de tous les siècles,
Et n'est emploi ni office qu'à le suivre un jeune homme ne puisse atteindre au héros,
Et n'est chose si molle qu'elle ne puisse être à moyeu pour la roue de l'univers,
Et que tout homme ou toute femme en viendra à se tenir calme et altier face à des millions d'univers.

Et j'en appelle à l'humanité, Ne sois point curieuse en fait de Dieu,
Car moi qui suis de chacun curieux ne suis point curieux en fait de Dieu,
Nul étalage de termes ne peut exprimer combien je suis en paix en fait de Dieu et en fait de mort.

J'entends et contemple Dieu en chaque objet, pourtant je ne comprends en fait de Dieu aucunement,
Ni ne comprends qui peut être qui soit plus merveilleux que moi-même.

Pourquoi souhaiterai-je voir Dieu mieux qu'en ce jour?
Je vois quelque chose de Dieu à chaque heure des vingt-quatre, à chaque moment d'elles encore,
Dans les faces des hommes et des femmes je vois Dieu, et dans ma propre face au miroir;
Je trouve des lettres de Dieu au hasard des rues, et chacune est signée du nom de Dieu,
Et je les laisse où elles sont, car je sais que d'autres s'en viendront ponctuellement pour toujours et à jamais.

Et quant à toi mort, et ton amère étreinte de mortalité . . . . c'est temps perdu que d'essayer de m'alarmer.

À son travail sans ciller se rend l'accoucheur,
Je vois la haute main pressant recevant supportant,
Je suis allongé près du seuil des exquises portes flexibles . . . . et constate le débouché, et constate le soulagement et l'échappée.

Et quant à toi cadavre je t'estime efficace fumier, mais cela ne m'offense pas,
Je hume les roses blanches de doux arôme croissantes,
Je me porte aux lèvres feuillues . . . . je me porte aux poitrines lisses des melons,

Et quant à toi vie, je présume que tu es le résidu de bien des morts,
Nul doute que je ne sois moi-même mort dix mille fois auparavant.

Je vous entends là susurrer ô étoiles des cieux,
Ô soleils . . . . Ô herbe des sépulcres . . . . Ô transferts et promotions perpétuels . . . . si vous ne dites rien comment puis-je rien dire?

De la mare bourbeuse au pied des forêts de l'automne,
De la culbute de la lune aux escarpements du crépuscule murmurant,
Ondoyez, flammèches de jour et de pénombre . . . . ondoyez aux fûts noirs croupissant dans la boue,
Ondoyez au jargon chagrin des branches sèches.

Je prends mon essor de la lune . . . . je prends mon essor de la nuit,
Et perçois au nimbe spectral les rais du soleil reflétés,
Et débouche sur le ferme et le central à partir de la progéniture petite ou grande.

Il est en moi cette chose . . . . je ne sais ce qu'elle est . . . . mais je sais qu'elle est en moi.

Tordu et en nage . . . . calme et composé alors devient mon corps;
Je dors . . . . je dors longtemps.

Je ne la connais point . . . . elle est dénuée de nom . . . . elle est mot imprononcé,
Elle ne se trouve en aucun dictionnaire ou affirmation ou symbole.

Sur quelque objet plus vaste elle tangue que la terre où je tangue,
Et la création lui est l'ami dont l'étreinte m'éveille.
Peut-être pourrai-je en dire davantage . . . . Schémas! je plaide pour mes frères et mes sœurs.

Voyez-vous, Ô mes frères et sœurs?
Elle n'est chaos ni la mort . . . . elle est forme et union et plan . . . . elle est vie éternelle . . . . elle est bonheur.

Le passé et le présent fanent . . . . je les ai emplis et les ai vidés,
Et m'apprête à emplir mon prochain lot de futur.

Hé toi là-haut qui m'écoutes! Toi ici . . . . qu'as-tu donc à me confier?
Regarde-moi dans les yeux comme je flaire l'infléchissement du soir,
Parle honnêtement, car nul autre ne t'entend, et je ne reste qu'une minute de plus.

Est-ce que je me contredis?
Eh bien, soit . . . . je me contredis;
Je suis vaste . . . . je renferme des multitudes.

Je me concentre sur ceux qui sont proches . . . . j'attends sur la pierre du seuil.

Qui a abattu son travail du jour et sera le plus vite au bout de son souper?
Qui souhaite marcher avec moi?

Parleras-tu avant que je ne sois parti? Te montreras-tu tel retardataire?

Le faucon ocellé fond du ciel et m'accuse . . . . il me reproche ma jacasserie et mon lanternement.

Je suis moi aussi moins qu'apprivoisé . . . . moi aussi suis intraduisible,
Je corne mon glapir barbare au-dessus des toits du monde.

La dernière nuée est en suspens pour moi,
Elle projette ma semblance après le reste et autant dans son vrai que d'autres sur les solitudes obombrées,
Elle m'engage aux vapeurs et au crépuscule.

J'appareille comme l'air . . . . je secoue mes mèches blanches au soleil en fuite,
J'épands ma chair en revolins et la rallie en franges ourlées.

Je me lègue à la poussière pour croître de l'herbe que j'aime,
Si tu veux de nouveau de moi, regarde donc sous tes semelles.

Tu ne sauras guère ce que je suis ou ce que je veux dire,
Mais je te serai néanmoins de bon aloi,
À filtrer et à affermir ton sang.

À ne me trouver point d'emblée garde courage,
À me manquer en tel lieu cherches-en un autre,
Je suis en arrêt quelque part t'attendant toi ...

.

WALT WHITMAN

. VIE_ET_MORT
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