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EMMILA GITANA
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24 janvier 2008

CETTE NUIT

Cette nuit mon insomnie a croisé ton sommeil. Je suis passé à pas furtif comme le fil d’une fontaine. Mon corps s’est dépouillé de ses brouillards en découvrant le tien. Quand tu parles aux oiseaux, fais que je parle avec ta voix. Quand j’écris à la main, elle pense avec ta peau. Quand je dessine le ciel sur la ligne d’horizon, je pêche mes couleurs dans tes yeux d’eau de mer. Avec l’aide du vent je te touche partout.

Quand tu n’es pas là, le lit de mes mains reste froid. Le chat perd ses moustaches à lécher ton absence. Les étoiles dormantes ne se réveillent plus. Notre avant-dernier mot traîne encore sur la table. J’en ferai un poème. Tes yeux lisent d’avance le troupeau des voyelles. Tu es le pré où broute la gueule des syllabes. Il y a dans mes phrases de vieux messieurs guindés qui retombent en enfance. Ils t’offrent des poèmes coiffés d’une framboise.

Je suis pris dans mes mots et toi tu es partout. Je ne peux dire un mot sans toucher ton oreille. Je te voudrais le fruit dans mon arbre de gestes. Je te voudrais la tige, et l’écorce et la feuille. Il te suffit de rire pour que je sois moins lourd. Bientôt je remuerai la terre avec la bêche du printemps. J’y planterai des mots qui te ressembleront. Nos yeux mangeurs de roses attendent la beauté sur le bord du silence. J’emmêlerai la dureté des consonnes à la douceur des voyelles. Je confondrai l’épine trop virile au règne maternel, mes vielles hardes sonores au décolleté du jour. Mon ombre avance vers la mer pour apprendre à nager.

Elle existe la joie. J’éteindrai sous ta robe les cendres du passé. Je tourne autour de toi comme un air de chanson. Je tourne autour du monde et c’est autour de toi. Dans les signes que je trace j’agrandis l’horizon, le sillage du vent dans les veines de l’air, le pouls de la parole sous le poignet du jour. Tu arrives à ma rive comme du fond de l’eau, comme du fond des âges. Tu danses avec tes lèvres à la pointe de ma flûte. Le monde est plus léger que le souffle d’un mot.

Aie pitié de mes mains qui donnent parfois mal la chaleur qu’il faut. Aie pitié de mes mots qui te cherchent encore. Aie pitié de mes yeux qui s’oragent parfois devant le cours du monde. Je t’attends du côté où nous irons plus loin nous unir à la source. Je vois. Je vis. Je respire. J’entends. Je t’attends du côté où je t’aime le mieux. Nous nous aimerons tout simplement.

Nous avançons sous le même parapluie parmi les feuilles mortes assises sur un banc. Il suffit que tu ries pour qu’elles grimpent aux arbres et reprennent leur place. Tu me parles de roses, je t’offre des épines. Quand tu t’abats comme un grand vol d’oiseaux, je picore avec toi la fraîcheur du temps. C’est vers toi que je dévide mon fil, que je sème dans la nuit de petits cailloux blancs. Je te compte sur mes doigts. J’ai dans la tête un cœur à la place des idées.

Même en hiver, les pommiers fleurissent quand tu arrives. Le ruisseau chante sous la glace. Les chevreuils viennent boire dans le poil des loups.

Mes mots qui veulent chanter.
Tes doigts qui cherchent l’air à mon oreille.
Tes hanches où nagent mes deux mains.
Tes pas où dansent mes deux pieds.
Ta bouche où je cherche mon souffle.

Comment tu fais pour lire ce que je n’écris pas ?

Sous mes mains une rivière se lève dans ta robe. Mes caresses y nagent sur la pointe des vagues. Je sens contre ma peau ton corps immense de douceur. Mon crayon suit le mouvement des phrases comme mon corps s’accorde au tien. Je deviens fleuve pour ta soif. Tu deviens pour ma faim un verger de fruits clairs. Nous serons sans mesure comme l’eau qui traverse le roc. La peau de chagrin s’efface d’une caresse à l’autre.

Les vêtements qu’on quitte nous rapprochent l’un de l’autre. Une aiguille pointe au milieu de mon corps pour oublier le temps. Les gouttes du bonheur se boivent comme la pluie et laissent des sourires sur l’écorce des jours. Entre un bonjour et un adieu l’absence ne vient que resserrer les liens. Je gratte le silence avec le bruit des yeux pour t’envoyer ces mots qui traversent la nuit.

Quand je bêche à la main la terre du silence tu grappilles des fleurs dans la bouche des nombres. Quand nous fermons les yeux nos regards se touchent. Tu fais marcher en toi mes mots à pas de louve et c’est comme un silence qui trouverait ses lèvres. L’avenir brûle ses rides sur un sablier rose. Le présent se dépouille de la poussière du temps. L’herbe indocile pousse malgré la peau du froid.

Qu’importe la distance nos rives se rejoignent dans les eaux du sommeil. Quand ta lumière se mêle aux parfums des fenêtres, je voudrais te parler avec des mots en fleurs au sommet de chaque bras. Le cœur du monde bat sous la défroque du vent. À chaque jour l’amour mendie ce qu’il n’a pas et le redonne au feu qui s’apprête à s’éteindre. Quand tu rêves, des ailes chantent aux quatre coins du vent.

La nuit qui te parcourt s’allume dans mes yeux. L’amour est ce fardeau que l’on ne porte plus, cette odeur de soleil qui abreuve le fleuve. Il donne à chaque chose les lèvres du sourire, à chaque joue du printemps une fossette en fleurs. Avec le bout du doigt j’écrirai sur ta peau un tout petit poème plein de miel et d’espoir. Nous avançons dans les pas l’un de l’autre uniques et divisés comme nous le sommes en nous. Sur ton ventre sans rives je marmonne sans mots. Je ne doute plus du rêve s’il nous porte en avant. J’espère le cosmos à chaque tour de roue. Je ne sais plus trop bien où commence ma peau, où finissent tes mains. Quand je roule avec toi le ronron du moteur se transforme en musique et le rétroviseur regarde vers l’avant. Le cambouis des pistons sent les cerises mouillées. Sur les plus hauts sommets, la route monte encore.

Quand il neige la nuit, je guette ton regard derrière chaque flocon. Mes doigts trempent leurs mots dans l’écriture des cheveux. Quand tu marches en forêt les arbres s’illuminent. Les écureuils rongent le plancher du néant et nous marchons dans l’herbe sur des pas de rosée. Les battements de nos cils l’un contre l’autre viennent rythmer l’espoir. Je t’imagine couchée dans le jardin à regarder le ciel en murmurant de bonheur. La confiance est plus forte que la crainte et l’amour bien plus grand que la peur.


Je t’aime.

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JEAM-MARC LA FRENIERE.

14 février 2005

Jean-Marc La Frenière sur son site

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. pommier

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