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EMMILA GITANA
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3 février 2008

JEAN -LUC ARIBAUD

C'est une nouvelle pirogue de souvenirs inachevés, que nos doigts, effilés comme des flèches guident au-dessus des métropoles. Les ombres déchiquetées, complices de ce voyage héroïque, soufflent sur les rues et les places un goût de sureau tranché. Nous sommes inconnus, horde de quelconques, oscillant d'un souterrain à l'autre, d'un brouillard  mutilé à une périphérie sanglée de graffiti, ramenant toujours dans l'axe de la lune cette proue invisible.

    Nous franchissons d'heure en heure les fuseaux emmêlés du sang et du sommeil, ceux des effondrements aussi, où les voix s'épaississent, greffent aux corps les premiers gouffres dépeuplés. Comme des vigies hallucinées, nous guettons sur les frondaisons sauvages de la nuit ces barbaries soudaines, ces brusques effacements du miroir enchanté.

A chaque part d'enfance reniée, nous jetons par-dessus bord le mélange du sable et des rèves les plus vifs, nos mains sèches d'adultes éperdus.

*

    En plein midi boursouflé de lumière nous remontons hardiment jusqu'au plus haut du fleuve, poster nos lettres vives, nos bouquets de fleurs mortes. Rétifs aux enseignements inquiets de l'Histoire, nous sommes suspectés d'insouciance et de moquerie.  Seuls, la nonchalance d'un reflet sur une pierre, le craquement délicat d'une mousse sur une cheville, trouvent grâce à nos yeux. Que nous importent alors la folie des légendes, l'absence de l'ombre la broussaille pelotonnée sur elle-même comme piquée au plus vif par les rayons du zénith: nous sommes là pour passer le verbe au-delà de la herse des roseaux, pour donner à la source notre barque de genêts et de rires, notre tanière de chair et de désirs aussi.

    Nous avons enfin les mains pleines de cet absolu de tendresse et, à la gorge, cette soif divagatrice qui assaille les hommes, dont les mots perdus s'accordent au plus juste des fraîcheurs souterraines. Nous parlons dans cette même langue des morts et des amours, comme d'autres, aux lueurs les plus faibles de la bougie, évoquent avec crainte le souvenir de ceux dont la bouche fut flambée.

*
On doit à Jean-Luc Aribaud "Extravagantes réalités/Dans les marges de cendre" 'Editions N&B 1995

sable1

.

Ce qui de toi effleure l'aile des albatros

tu ne le connaîtras jamais

.

Jean-Luc Aribaud

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