TERRE-MERE ANDALOUSE

La route est taillée dans le bois ancestral
madères brunies aux senteurs de la terre
chanfrein de tramontane
la terre andalouse roule à voix basse
graveleuse, ocrée
les collines s'appellent par des feux de luzernes
les villages se répondent par des donjons haineux

la Sierra allume ses chandelles de neige
Valeta astrale
dans Grenade, on se chauffe les doigts
à la bouche des bocadillerías

*

Je grimpe un rayon de soleil,
madrugada à mains nues
des cyprès marchent avec moi
livres ouverts, pèlerine d'oiseaux

j'arrive en ciel haut, reloj del sol,
je suis seul, moi et Père-Grand
dans la bruine or des genêts
une abeille lit les bleuets
un renard pique-nique avec moi

Granada est là, à un toucher de soulier
avec ses toits flammés, ses aiguilles de pins
ses Alhambra,
ses filles délacées par le printemps,
d'une main je ramasse tout ce planétarium
et le roule dans une feuille d'oranger

*

Albayzin ville-mère, Mère-Grand
les rues remontent dans le temps
entre le sud et le moyen-âge
de fenêtre en meurtrières
de géraniums en fuschias
callejuela de la muñequita
les pas chantonnent sur les pavés
cuestacilla de la alborea
les murs sont mouchetés de faïences
carmen de verde luna
le ville reprend son pourpre
à l'ombre d'un bougainvillier
placeta de la moraima
un filet d'eau entre deux pierres ombilicales
je bois
colmenilla
une porte s'ouvre en bois rauque

Piedra de la cruz, le Sacromonte attend
dans le silence utérin de la cueva
en arrivant
il vous crachera ses madones,
ses os de guitare
et ses flamencos rugueux

*

Cordoba

Guadalquivir !
en hailles, galets aux pieds
hâlant de ville en vide,
sans savoir où aller
pauvre hère,
on a volé tes pluies et tes safrans
on t'a jeté comme un vieux sac
tes ponts sont devenus trop grands
et tes galets bien trop blancs

D'un bond, je saute dans la ville
les ruelles font les cent pas
entre les girofliers et les magnolias
de porte en patio, silence d'eau,
fleurs d'acacias, opium vert
je souffle une porte, château de géraniums
émail azuleros

*

Mezquita-catédral
une brique islam, une brique catholique
une brique de terre cuite,
les colonnades ont des oreilles de choux
on trébuche sur un saint à chaque pas
on respire l'encens des poussières

les dieux logent à la même auberge
trinquent dans le même ciboire,
crucifient les prophètes d'ivoire
portent glaive en or et cristal de verre
Senor Capitan de Torquemada

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AARON DE NAJRAN

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Carlos  Pradal