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EMMILA GITANA
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28 août 2008

C'EST DIMANCHE, JE PENSE A VOUS...

Aujourd’hui, une larme acide montera  en moi 
Et je la subirai 
Elle me dira une douleur impensable 
Et je l’écouterai 
Elle me dira le crachat sur la  mémoire 
Et je la maudirai 
Elle descendra en balafre sur ma  joue 
Et sur mes lèvres je reconnaîtrai  son goût : 
C’est toi, Algérie, qui pleure ce  dimanche 
Debout dans le vent de l’oubli 
Ta chevelure désespérée 
Tes portraits d’or dressés   
A la face salée du palais éteint 
Tu protèges tes tombes 
Des mains souillées des Pétain 
Tendues aux assassins 
Tu protèges tes tombes 
Sépulcres sacrés 
Qui gardent ta chair 
Et nos orgueils 
Tu protèges tes tombes 
Et je t’entends de ma prison 
A travers la nuit du tyran je  t’entends : 
C’est ma mère 
Qui suffoque de colère 
Par la poitrine révoltée 
De la mère de Kahina 
Amel, Karima  et Nour El Houda 
C’est toi, je le sens 
Dans le silence du pénitencier 
Qui pleure des yeux roses 
De la fille du policier 
Et ce bruit froid et amer 
Qui me parvient dans mon cachot 
C’est le bruit de ta solitude 
Quand tu pleures du soupir infini 
De la sœur de Medjoubi. 
Je vous entends, cœurs piétinés 
Cœurs sacrifiés dans la fente de  l’urne 
Cœurs trahis d’un trait de plume 
Cœurs crevés d’un poignard félon 
Qui battez d’un sang profané, 
Qui hurlez d’une voix bâillonnée 
Cœurs aux pétales aiguisés 
Rassemblés en bouquet d’honneur 
C’est dimanche, je pense à vous. 
Vous êtes le dernier cri  d’Alger 
Déchirant le silence des lâches 
Et je l’entends de ma geôle d’El  Harrach, 
Au nom de toutes les fleurs à venger 
Accompagner les prochaines glycines 
Vers une floraison inéluctable 
Tu l’as promis aux fleuves et au  sable 
A l’heure de la lame assassine 
Tu l’as promis dans la nuit, soldat, 
Il n’est pas un jasmin qui ne t’ait  écouté 
Qui ne livrera, à l’aube, son parfum  de vérité, 
Et qui ira fleurir la tombe de  Benhamouda 
Mon fils, lis, pour moi ce dimanche, 
Inscrite sur l’esplanade ensoleillée  la vieille légende du peuplier, 
En lettre de sang sur leurs  banderoles blanches. 
Et cueille pour moi, si je rentre un  jour 
Un rameau de dignité et un bout de  racine 
Et cet éclat de fierté dans les yeux  de l’orpheline 
Au souvenir du père et de sa  bravoure, 
Tu sauras le secret de nos femmes et  ma terre. 
Et des peupliers qui veillent sur  leurs roses, 
Apporte –moi une part d’ombre  que je me repose 
J’ai hâte de te voir dans la  lumière. 

MOHAMED  BENCHICOU

-  Prison  d’El Harrach,- Mars 2006

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