J'ai parcouru, sous des minuits de verre,

Des courants forts qui font le tour de la terre....

 

La mer ! la mer !

 

...La mer tragique et incertaine,

Où j'ai traîné toutes mes peines !

 

Depuis des ans, elle m'est celle,

Par qui je vis et je respire,

Si bellement, qu'elle ensorcelle

Toute mon âme, avec son rire

Et sa colère et ses sanglots de flots ;

Dites, pourrais-je un jour,

En ce port calme, au fond d'un bourg,

Quoique dispos et clair,

Me passer d'elle ?

La mer ! la mer !

 

Elle est le rêve et le frisson

Dont j'ai senti vivre mon front.

Elle est l'orgueil qui fit ma tête

Ferme et haute, dans la tempête.

Ma peau, mes mains et mes cheveux

Sentent la mer

Et sa couleur est dans mes yeux ;

Et c'est le flux et le jusant

Qui sont le rythme de mon sang....

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EMILE VERHAEREN

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cris18