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EMMILA GITANA
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26 mars 2009

MEHAREES...Extrait

"... D' ailleurs, passant de la mer au désert, faisais-je plus que changer d'océan? Qu'il soit d'eau ou salée, de sables ou de cailloux, c'est toujours un océan. Et voilà pourquoi, à les avoir vécues tour à tour, on découvre tant de points communs entre la vie du marin et celle du Saharien, une  secrète et profonde parenté.
Matérielle, tant les deux milieux - au sens biologique du mot - sont, malgré les apparences, comparables, et partant, psychologiques aussi.
Le monde polaire, océans de glace et déserts de neige, compléterait la trilogie des espaces qui commandent le perpétuel mouvement, la navigation, le nomadisme, la fuite éternelle, quotidienne, à travers les cercles sans cesse renaissants et jamais franchis d'un horizon qui vous précède, semble parfois vous attendre, pour vous narguer, mais jamais ne se laisse atteindre.
Ici, comme là, vivre c'est avancer sans cesse, à travers un décor à la fois immuable et changeant, identique à l'œil et que l'on ne saurait différent sans le témoignage du sextant, de la montre et de la boussole, s'aventurer comme à tâtons sous les plus éclatants soleil, savourer l'amertume de se sentir, en pleine marche, prisonnier d'un espace pourtant sans barreaux, et plus étroitement confiné, en cette libre immensité, qu'au plus étroit des cachots qui, lui, du moins a une porte, perpétuelle espérance, puisqu'une porte, parfois, cela s'ouvre.
Ici point de serrure, le grincement de la clé ne viendra pas, soudain, faire tressaillir le captif; rien n'est fermé, rien... que cet implacable horizon, démesuré, mais hermétique où, dans les moires fluides du mirage, nos cœurs, lourds d'une angoisse que nous n'avouerons pas, chercheront un signe,  n'importe quoi, mais quelque chose, une touffe, un caillou, une ombre quelque chose pour nous prouver que nous avons avancé depuis hier, que nous n'avons pas tourné en rond, à la remorque d'une boussole affolée par quelque imprévisible anomalie magnétique, que nous approchons du but.
Parce que cette mentalité d'errants, de pourchassés, "étrangers et voyageurs sur la terre ", elle se venge du présent sur l'avenir; ne possédant rien, elle escompte tout, niant le danger, l'inquiétude, le besoin, elle affirme la sécurité, la paix, le rassasiement. Mais pour demain. Mystique du port et de l'oasis, qui livre le solitaire à la fascination d'une attente.
Comme à la brûlure d'un regret, parce que, l'espace vaincu, la bataille gagnée, oubliant les promesses de bonheur dont il enchantait ses jours de détresse, le nomade se découvre tout soudain, et très vite, las d'une "liberté " en cage; il soupire après sa " prison " sans barreaux: un beau jour, il reprend le large.

Les rares lieux où l'on ait le droit de séjourner, oasis et puits,  sont des ports, ou comme les îlots minuscules d'un gigantesque archipel. Le puits n'est que l'aiguade du marin, où l'on fait son eau seulement, pas ses vivres.
Le vrai port c'est la localité habitée...."

"... La terre au marin, au Saharien le point d'eau, c'est , au moins pour un temps, une relâche, une escale, une provisoire cessation d'inquiétude..."

"... Et quand débouchant de la haute mer, nous atterrirons au point visé - ou à côté - ce sera, nous,  marins, comme la caravane, nous, chameliers, comme le navire....

Même sur des pistes fréquentées, la circulation au désert, à travers une immensité sans limites aux horizons indéfiniment circulaires, est déjà passablement maritime, cabotages à la sécurité desquels un pilote, le guide,  est indispensable.

Mais au vrai grand large, ni l'un ni l'autre ne le demeurent. A quoi serviraient-ils? A u long cours, dans les zones inconnues, et quand il faut se lancer à l'aventure derrière le chiffre qui oscille sous le prisme de la boussole, le voyage se fait véritable navigation.

Le Saharien n'a alors, sur le marin, qu'un avantage, ne point avoir à tenir compte, le soir, dans le calcul du point estimé, de la dérive, son océan, à lui, étant sans courants. Comme le marin, privé de repères utilisables au sol, il se place, quand il le peut, sur un point observé, et les cartes de l'un comme de l'autre, crayonnées seulement de lignes droites d'une vigoureuse franchise, ignorent les molles subtilités de la courbe..."


THEODORE MONOD
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