LA PRAIRIE D'HERBE BLEUE
Nous serons tous les deux et il n'y aura plus de départ
Nos pensers confondus ressembleront à la pleine lune
Au dessus d'une grande ville apaisée par la nuit
Alors je me souviendrai des rues des faubourgs
Le square cerné de maisons grises
Où les oiseaux tombaient des arbres comme des boules de suie
Les minuscules boutiques de caramels à deux sous
Et les odeurs du samedi soir sur la place du marché
Une plainte rouillée traversant le brouillard
Me rapellera encore ces deux vieux époux
Attelés à une carriole dans l'après-midi d'un dimanche
Chassés par la vie en quel lieu emportaient-ils
Leur bric à brac de pauvres choses
Et soudain je ne pourrai plus retenir mes sanglots
Mais tu comprendras que si je pleure c'est de savoir
Nous serons tous les deux et il n'y aura plus de séparations
Et tous ceux qui nous ont aimés seront là
Douce foule derrière nous bruissante
Vers laquelle nous tournerons parfois légèrement la tête
Chaque minute nou sentirons renaître
L'étonnement de cette certitude bouleversante
Et quand se diluera en nous l'écume des larmes
Pour ne laisser qu'une eau profonde
Recueillis et graves nous irons
Jusqu'à la prairie d'herbe bleue où les morts
Font leur prière pour les vivants
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MARCEL BEALU
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Photographie Jean-Bernard Lheureux