Rouge des offensés et des sorciers grillés,
Du mur des Fédérés, du pieu des fusillés
Cous rouges, cous coupés des enfants dévoyés,
Puceaux que déflora la veuve vers quatre heures,
Mortel dépucelage au nez du procureur.
On raccourcissait à foison
Sur les places dans les prisons.

 

Rouge. Feux des bivouacs des premiers partisans.
Et rouges les tracteurs des jeunes paysans.
Rouges leurs joues leurs poils et leurs doigts tout puissants.
Coquelicots d’acier des énormes batteuses.
Rouge comme le bluff des promesses menteuses.
On ne peut œuvrer à sa faim
Dans le pays des aigrefins.

 

Le premier coup de rouge à l’aurore est amer.
Comme la voile au vent des thoniers sur la mer.
Rouge comme la honte ou comme la colère,
Rouge comme le cri des frissons populaires.
On construit des mondes meilleurs
Au feu des fusils mitrailleurs.

 

Le rideau de velours de la scène où Richard
Et Macbeth vont tuer. Vitriol des clochards.
Couleur du cauchemar des flics et des mouchards
Reflets des jeux cruels de cape dans l’arène
Rouges, crêpés de noir, les échafauds des reines.
Rouge couleur de la mort comme
Est la douleur de milliards d’hommes.

 

Isis, astre du jour, soleil compact de cet
Incendie qui depuis l’an mil-neuf-cent-dix-sept
Inexorablement ne se lève qu’à l’Est.
Maquillage incarnat des tragédies humaines.
Couleur de la fatigue au bout de la semaine.
Couleur de la coulée de fer
Couleur des flammes de l’enfer.

 

Rouge comme son fard aux lèvres du matin.
Slogans sanguinolents aux remous des meetings
D’Argenteuil, de Puteaux, d’Ivry et de Pantin,
Rouge fondamental dans le spectre solaire.
Signe de ralliement au combat des salaires.
Etau de la poignée de mains
Et rouge couleur de demain.

 

Larmes de sang des mères aux soirs de représailles.
Rouge couleur d’amour la nuit des épousailles,
Couleur du toit de l’homme à l’abri des batailles.
Rouge comme le feu des pelotons de l’aube
Ou la voix des tribuns du côté de la Maub’.
Tension de millions de volts
Rouge couleur de la révolte.

 

L’étendard rouge et noir galvanisant les masses,
La livrée du chasseur au tambour des palaces,
La honte du néon sur les hôtels de passe.
Foulards des métallos des nuits du Point du Jour,
Rouge comme la craie des professeurs en cours.
La couleur rouge du danger,
Des cadavres qu’il faut venger.

Et plus universel que le teint de la peau
Ou que le claquement meurtrier des drapeaux
Destinés aux charpies pour les bandes Velpeau,
Rouge couleur de la vie comme
Est la couleur du sang des hommes.
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BERNARD  LORRAINE

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