LE RÊVE D'UNE PLANETE
Il était une fois une très jeune planète, toute ronde et bleue, absolument perdue dans un coin reculé de l'univers, minuscule, face à l'immensité du cosmos. Cette planète avait fait, dans son imaginaire de planète, un rêve fou : elle voulait accueillir la Vie.
Quand elle avait tenté d'évoquer ce rêve autour d'elle, les autres planètes avaient poussé de hauts cris et aussitôt l'avaient mise en garde : “Sois prudente, ne t'engage pas à la légère ! La Vie, quand elle est suffisamment apprivoisée, quand elle commence à s'habituer, quand elle se trouve à l'aise, quand elle se sent en confiance, déborde de partout, a tendance à prendre toute la place, à envahir tout l'espace autour d'elle. Elle est même capable de s'installer chez un humain et alors là, c'est toute ton existence même, comme planète, qui risque d'être menacée. Nous t'invitons à prendre toutes les précautions pour ne pas réaliser ton rêve. Tu peux le garder et le laisser à l'état de rêve, mais vraiment, surtout ne l'inscris pas dans ta réalité...”
C'était mal connaître la petite planète que de l'inviter à renoncer à son rêve, elle s'accrochait à lui, elle voulait le concrétiser, c'était l'équivalent pour elle d'un désir d'enfant.
De très vieilles planètes, qui furent mises au courant de ce qu'elles considéraient comme une folie, hochèrent tristement la tête et confirmèrent douloureusement ce que d'autres avaient dit.
“Mais moi je ne veux que faire du bien à la Vie, lui offrir un peu de place, simplement l'accueillir, lui donner l'occasion de se poser chez moi. J'ai suffisamment d'espace, une atmosphère saine, de l'eau, de l'oxygène en abondance, je suis baignée plusieurs heures par jour par les rayons généreux du soleil, on ne devrait pas se gêner mutuellement. D'ailleurs j'ai commencé à lui préparer un berceau d'humus, à rassembler quelques éléments qui devraient faire plaisir à la vie”, murmura émue, la petite planète.
Vous l'avez entendu, je vous parle d'un temps très lointain où la Vie qui, contrairement à ce que l'on pourrait croire, n'était pas très recherchée dans ce coin de l'Univers, attendait désespérément depuis des milliards d'années de trouver un endroit qui accepterait de l'héberger, simplement pour se reposer, s'épanouir aussi.
Et la petite planète qui tenait tellement à son rêve, accepta un jour de recevoir la Vie. Ne croyez pas que cela se fit d'un seul coup, brutalement. Oh non ! Cela commença par des choses minuscules, microscopiques, invisibles, parcellaires, de façon qui aurait pu paraître, à un œil non averti, un peu désordonnée...
La gestation de la Vie sur Terre, (vous avais-je dit que la petite planète bleue, s'appelait la Terre), dura plusieurs autres milliards d'années. La Terre vit avec surprise et plaisir aussi, que le Vie, se développait sous des formes incroyablement diverses. Elle vibrait de partout, s'insérait subtilement dans le minéral, resplendissait dans le végétal, proliférait dans l'animal et un jour dynamisa ce qui allait devenir un être humain. A partir de là, quelque chose s'accéléra, quelque chose de plus s'incarna et en quelques centaines de milliers d'années seulement, un homme accéda à la station debout, inventa des outils dont certains devinrent des armes.
Puis la Vie sous la forme des humains se lança à la conquête de la Terre. Elle l'exploita, la violenta un peu, tenta de lui apporter de nombreuses modifications dans le souci de l'améliorer mais surtout de la rendre plus rentable. Plus rentable veut dire : “extraire de quelque chose ou de quelqu'un le maximum d'avantages et de profits,” sans se soucier des conséquences, des blessures infligées, des dommages irrémédiables, des violences visibles et d'autres plus invisibles et peut- être plus terrifiantes. Sans surtout penser à l'avenir.
La planète Terre était de bonne composition, elle s'adapta dans un premier temps, résista un peu dans un second temps, tenta de négocier par la médiation de vieux sages, mais garda longtemps, longtemps l'illusion que les hommes allaient l'aimer, lui être reconnaissant de les avoir accueillis, protégés dans l'enfance de l'humanité.
Aujourd'hui encore, jusqu'à ces derniers temps, elle ne se décourage pas, elle cherche des alliés, s'ingénie à ouvrir, à révéler des consciences, à envoyer des signaux d'urgence, mais les hommes semblent être fidèles à un dicton que je tiens de ma grand-mère : “NUL N'EST PLUS SOURD QUE CELUI QUI ENTEND”.
Il faut que je vous dise aussi que la faiblesse de la Terre, c'est qu'elle s'est prise d'affection pour les hommes. Elle éprouve pour eux un immense amour. Malheureusement pour l'instant, c'est un amour qui est à sens unique. Mais comme tous ceux qui aiment, la Terre est prête à accepter beaucoup, beaucoup, à supporter l'insupportable, à accueillir l'inacceptable, à pardonner à l'intolérable, à respecter l'inconscience !
Pour l'instant.
Si un jour, vous qui m'écoutez avez une quelconque influence sur les hommes, dites leur s'il vous plaît que la Terre mérite d'être aimée et respectée.
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JACQUES SALOME
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