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EMMILA GITANA
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4 septembre 2009

MILONGA DU SOLITAIRE

De temps en temps j'aime bien être
perdu dans un fredonnement
car je vois bien qu'en fredonnant
je ne suis pas même mon maître.
Les six cordes en la pensée mettent
de l'ordre et un cheminement
et dans le lent trottinement
d'une milonga populaire
peu à peu s'envole dans l'air
tout le meilleur du sentiment.

Que personne n'aille penser
que je viens chercher ma revanche,
qu'est-c' que j'y peux si dans le ranch
j'ai ce qu'il faut pour galoper.
Un qui voudra m'en remontrer
un bon cheval devra monter,
du chapeau je le saluerai,
c'est ainsi qu'on me l'a appris,
et pour moi cela me suffit
de passer après le premier.

Tout bas moi j'ai toujours chanté,
si je crie j'oublie qui je suis
— quand je monte à cheval je crie
si dans l'alcool me suis noyé —
mais si j'essaye de chanter
des vers pour dire mes tourments,
à peine si ma voix s'entend
lorsque je me mets à chanter,
qui dans les cris se laisse aller
n'écoute pas son propre chant.

Et si la mort cette traîtresse
à son poteau vient m'étrangler,
avec deux fouets que l'on me dresse
une croix pour me reposer ;
si dans mon trou la mort me laisse
à regarder les horizons,
je ne veux croix ni oraisons,
ni l'Eternel ni ses affaires,
peut-être que passé l'hiver
les fleurs sur moi refleuriront.

La nuit entière j'ai chanté
avec l'âme toute tremblante
une plaie s'ouvre quand on chante
la plaie d'un sentiment sacré,
je n'ai personne à mes côtés
car de pitié je n'ai que faire,
la charité je n'aime guère,
c'est la honte qui l'accompagne :
je suis comme un lion des montagnes,
je vis et je meurs solitaire.
.

ATAHUALPA  YUPANQUI

Traduction Jacques Ancet

.

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