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EMMILA GITANA
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4 octobre 2009

ABEILLE PAR ABEILLE

 

    (…)  

Abeille par abeille, épine par épine,
je déplie la rosée jusqu'au pollen de l'air,
jusqu'au miel du cœur.  

Je refais grain à grain  

  le chemin de la terre qui chante ses racines  

pour arriver au ciel.  

  Je refais vague à vague le ressac de la mer  

    pour arriver aux sources.  

  Je refais une à une les lignes de la main  

    pour arriver au cœur.  

  Je refais pain à pain le chemin de l'aurore,  

    de la soif à la faim, du regard au désir,  

  de la lèvre au baiser, de la musique au geste.  

    Je refais peau à peau le chemin de l'étreinte  

  pour arriver à toi.  

    Je refais pas à pas le chemin de l'enfance  

  pour arriver à nous.  

    Je refais mot à mot le chemin du silence  

  pour arriver à tous.  

      Avec ma voix de brebis égarée

  mes paroles s'emmêlent au sourire des clochards.  

    Mes larmes sont de soufre dans les grains du désir.  

  Je laisse ma douleur interroger la vie.  

    Me voici devant tous comme une rue déserte  

  avec l'ombre et les rats, avec les drames du cœur,  

    avec les clochards qui chantent la misère  

  sur les bouches de métro,  

    avec les chiens galeux qui hurlent à la lune,  

  avec les rotatives qui saignent à la une.  

    Des enfants mangent de la neige à défaut de bonbons  

  et les ados la sniffent à défaut de rêver.  

    Les rayons du soleil ont des balles dans la peau.  

  Chacune de mes paroles est une touffe de révoltes  

    contre l'or et les dieux.  

  La faiblesse des morts n'est pas assez pour les banquiers.  

    Ils bâillonnent l'espoir et les cris de bonheur.  

  Ils parlent de l'amour comme on parle d'une arme  

    le doigt sur la gâchette.  

  Les bras tendus vers l'impossible, les poings dressés vers Dieu,  

    les mains pleines d'inconnu et le feu dans la gorge,  

  je remonte à cloche-pied l'histoire des hommes.  

    Je retrouve partout les mêmes vieilles souffrances,  

  les mêmes fours crématoires, les mêmes statues de bronze  

    où je reviens pisser comme un chien d'infidèle.  

 

         Je retrouve partout les mêmes femmes trahies,  

    les mêmes terres interdites, les mêmes crosses à la main,  

  la mort à chaque ligne comme un point sur la vie,  

    l'amour quelque fois comme un pont d'espérance  

  de l'enfer à la mer, de la bouteille au rêve.  

    J'erre au bout de la douleur avec les mains d'un ange,  

  avec les yeux d'un fou pour éclairer la neige.  

    J'erre au fond du cœur sans garder le silence  

  sur tant de mots sacrés.  

    J'erre à la rencontre de mon propre fantôme  

  pour lui serrer la main.  

    On ne trouve pas le bonheur sous les carnets de chèque.  

  Le temps distribué à tous n'a pas le même poids.  

    Il y a des cieux qui chantent sans l'aide d'un seul oiseau,  

  des mers qui se forment sans une seule rivière.  

    Trop de bateaux se noient entre les bras d'un phare.  

  Il y a d'immenses trous dans le budget du cœur.  

    Si les mots devenaient un pain chaud sur la table,  

  si la parole flambait dans le ventre du poêle,  

    si les mots mirabelle gadelle ou chanterelle  

  chantaient au bout des doigts et nourrissaient le cœur,  

    si la gazelle sautait le mur de l'inconnu  

  en laissant des voyelles  

    comme on laisse des poils sur les fleurs du tapis,  

  si la marée montait dans le e de la mer et l du mot île,  

    si la lumière noyait les fantômes dans l'ombre,  

  si les minous de poussière se mettaient à parler,  

    j'aurais moins peur la nuit,  

  j'aurais moins froid l'hiver,  

    j'aurais moins faim, j'aurais moins soif,  

  moins de trous dans l'espoir et plus de cœur au ventre.  

    Que puis-je bien écrire en face de la mort?  

   Que puis-je bien savoir que ne sache un enfant  

    ou le moindre caillou?  

  Que puis-je bien chanter que ne siffle un oiseau?  

    Je persiste quand même et signe au bas du cœur  

  un paragraphe tendre pour éloigner la peur,  

    pour mordre dans la chair et nettoyer le silence,  

  pour réveiller la lune quand elle fait des cauchemars,  

    pour endormir la mort, réveiller la conscience.  

  J'écris une caresse sur le grain de la peau,  

    un baiser de papier comme en lancent les enfants  

  pour voir voler le temps,  

    des mots mis en orbite, des mots de passe et de passion,  

  des mots d'amour, des mots de mort,  

    des mots de ventre, des mots de gorge.  

 

    (...)

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JEAN-MARC   LA FRENIERE

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09 

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