CONTREPOINT...Extrait
Hommage à Edward Saïd
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Sang
et sang
et sang
dans ta patrie
Dans mon nom et le tien, dans la fleur
d'amande, la peau de banane, le lait de l'enfant,
la lumière et l'ombre, le grain de blé,
la boite à sel.
Des snipers virtuoses touchent leur cible.
Sang
sang
sang
Cette terre est plus petite que le sang de ses enfants,
offrandes dressées aux seuils de la résurrection.
Cette terre est-elle bénie ou baptisée
Par le sang
le sang
le sang
Que n'assèchent ni les prières ni le sable ?
Pas de justice suffisante dans les pages du livre saint
pour donner aux martyrs la joie de marcher librement
sur les nuages.
Sang ,le jour
Sang, la nuit
Sang dans les mots !
Dans un monde sans ciel, la terre se change en gouffre.
Et le poème est l'un des présents de la consolation,
l'une des qualités des vents,
qu'ils soient du sud ou du nord.
Ne décris pas ce que la caméra discerne de tes blessures
Crie pour t'entendre et crie pour savoir que tu es encore vivant,
que la vie sur cette terre est encore possible.
Invente un espoir pour les mots.
Crée un point cardinal ou un mirage
qui prolonge l'espérance et chante,
car le beau est liberté.
(...)
Et il dit : Si je meurs avant toi, je te confie l'impossible !
Je demande : Est-il lointain ?
Il répond : A distance d'une génération
Je dis : Et si je meurs avant toi ?
Il répond : Je consolerai les monts de Galilée et j'écrirai
" Le beau n'est que l'accession de l'adéquat."
Bon ! Mais n'oublie pas.
Si je meurs avant toi, je te confie l'impossible !
(...)
Aigle là-haut,
Là-haut,
Faisant ses adieux à ses cimes,
Car la résidence au-dessus de l'Olympe
et des sommets
Génère l'ennui.
Adieu
Adieu, poésie de la douleur !
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MAHMOUD DARWICH
Paru dans " le Monde Diplomatique "
du mois de Janvier 2005
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