LE SENS DE LA VIE
La question du "sens de la vie" refait surface en Occident. Après
l’effondrement des grands systèmes religieux et des idéologies
politiques, chacun d’entre nous est renvoyé à lui-même et s’interroge
sur ce qui fait vraiment sens pour lui. C’est sans doute l’une des
raisons du renouveau de la philosophie, du succès du développement
personnel et de la spiritualité. N’oublions pas, cependant, que le
simple fait de se poser cette question est l’apanage des riches, ou du
moins de ceux qui n’ont plus à lutter pour leur survie. Les pauvres ne
s’interrogent pas sur le sens de leur existence. Ils tentent simplement
de survivre au jour le jour. Mais ce qui les aide à vivre, autant que
la nourriture qu’ils cherchent quotidiennement, ce sont les liens
familiaux, amicaux, tribaux, communautaires.
L’homme ne peut pas
vivre sans "liens affectifs" au sens large du terme. On le sait
pertinemment en ce qui concerne le bébé. Si personne ne le regarde de
manière personnelle, ne le touche, ne s’intéresse à lui, il dépérit. Si
quelque chose, donc, donne vraiment sens à notre vie, riches ou
pauvres, hier ou aujourd’hui, ici ou ailleurs, c’est l’amour. Toutes
les recherches philosophiques ou religieuses nous laisseront dans une
sensation de vide existentiel si notre vie est sans amour. La vie est
viable parce que quelqu’un, ne serait-ce qu’une seule fois, nous a
regardé avec amour.
Je n’oublierai jamais cette scène
bouleversante à laquelle j’ai assisté, il y une vingtaine d’années,
lors d’un voyage en Inde. Je travaillais comme volontaire chez les
sœurs de Mère Teresa. Un bébé, trouvé dans une poubelle, avait été
amené à l’orphelinat de Calcutta. Il refusait de s’alimenter,
n’exprimait aucune émotion. Il était comme mort. Malgré les premiers
soins médicaux et nutritionnels, son état ne s’était guère amélioré.
L’une des religieuses le prit dans ses bras, le frictionna vivement, le
serra, lui parla, tenta de le faire rire. Rien n’y fit. Serrant
l’enfant contre son cœur, elle s’immobilisa longuement les yeux fermés.
Il émanait d’elle une force étonnante. Puis, lentement, ses mains
recommencèrent à pétrir le bébé. Inlassablement, elle le massa de la
tête aux pieds, avec un mélange parfaitement dosé de force et de
délicatesse. Elle se remit à faire sauter l’enfant sur ses genoux et
son air grave se transforma en une cascade de rires. Et là, sous nos
yeux, un miracle de l’amour se produisit. Le regard de l’enfant
commença à s’éclairer. L’absent devenait présent. Et, doucement, un
sourire s’esquissa accompagné de quelques petits cris de bonheur. Le
bébé avait choisi de vivre. Son sourire témoignait que l’amour est le
seul motif qui donne vraiment sens à une existence.
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FREDERIC LENOIR
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Oeuvre Oxana Yambykh