PROMENADE EN FLEURS KABYLIE
Peux-tu me rappeler, ami, les fleurs solitaires
Ces plantes éparpillées dans la baie de Béjaia
Celles aussi qui brillent l’automne et où l’air
Eclabousse l’or des corolles au pied du Gouraya.
Voir le vent des solitudes en piedmont des Babors
Et dire avec le ciel, les mots qu’on n’a pas dit
Les tribus véhémentes, telles des fleurs des bords
Les Béni Bimoun, les Oughlis et les Mezaî
Raconte-moi la Pâquerette ainsi que la Marguerite
Ces fleurs sans prestance qui effeuillent les cœurs
C’est le bouquet du pauvre qui en ornera le gîte
S’ajoutent quelques Soucis pour renforcer l’odeur
Vois là-bas, en Kabylie, la Rose galactique
Immobile sur sa tige, ressemblant à l’oursin
Epineuse et stérile les promeneurs l’évitent
On s’y frotte souvent la prenant pour coussin
N’oublie pas la Violette qui aime tant se cacher
Dans le frais des forêts se tapissant en trames
Pressée en sirop après avoir été hachée
Elle est pour les pauvres le parfum des dames
Vois la Centaurée, la fleur mythologique
Qui jonche la rive arquée du golf de Béjaîa
La ‘pullata’, le deuil, à la bordure magique
Fleurissant la baie depuis Sidi Yahia
Oh ! Voilà les Narcisses squattant les pâturages
Dressant tout d’abord une tête un peu timide
Aux amateurs de bouquets elles s’offrent à l’arrachage
Pour devenir Nerdjès* depuis les temps numides
L’Iris fuit les curieux préférant l’isolement
Il se plaît en rocaille ou près des murs écroulés
Son bleu ou son mauve attirent follement
Donnant à l’iris de l ‘œil une image papillonnée
Regarde le Bruyère aux si nombreuses fleurs
Le Cyclamen d’automne qui aime se cacher
Aux corolles maghrébines il a partout des sœurs
Et là-bas le Colchique le poison de Médée
Le Laurier qu’on vit naître quand Daphné se transforma
Fuyant Apollon voulant la conquérir
La nymphe des fontaines alors se consola
D’être devenue fleur au lieu que de périr.
Oublierai-je la Pervenche qui aime la fraîcheur
Et l’Astragale vénéneux qu’évitent les ruminants
Enfin le Genêt quand l’été se meurt
Après que le Coquelicot ait quitté le printemps.
L’été donc se termine apparaît la Jacinthe
Fleur du bord de mer des dernières floraisons
Au parfum de la Menthe, la Pensée lance sa plainte
L’œillet rouge ou pourpré accapare l’attention.
Les gens de Bejaia pour les ressusciter
Frottent de leurs mains les garrigues fêlées
De Tichy jusqu’ au cap Bouak usé d’âge et de vent
Ils suivent de leurs yeux les signaux et l’air du temps
Toutes ces fleurs, ami, sont beauté et raison
Se succèdent sans fin au fil des saisons
Tout l’argent et tout l’or qui se trouvent dans les coffres
Ne valent pas les trésors que la nature nous offre.
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ABDERRAHAMANE ZAKAD
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