Je ne sais pas qui je suis
je viens de terres très lointaines
tant de sangs en moi sont tourmentés
mon grand-père était oriental
et j'ai on me l'a dit une aïeule juive
je ne sais pas qui je suis
mes lèvres n'acceptent jamais les lèvres présentes
je sais qu'il doit exister des lèvres meilleures
je ne sais pas où là-bas
et mes lèvres sont tendues vers les inexistences
toujours
ils m'ont dit votre marche est indolente
vos paroles ont des lenteurs chantantes
elles sont toutes de douceur
ils m'ont dit aussi
avec leurs yeux déchirés d'amertume vous avez des sursauts cruels
vous étranglez les cœurs avec vos dents ardentes
et votre inconscience est terrible
je ne sais pas
j'ai parfois des yeux qui ne sont plus les miens
je viens de terres si lointaines
et tant de races tant de passions jouent en moi
mon grand-père était oriental
mon aïeule on me l'a dit était une juive
qui avait des yeux merveilleux
mes yeux sont pleins d'horizons dorés
j'ai mes mains lourdes de tendresse
sans cesse
mon corps appelle les corps
et je n'ai jamais trouvé
celle des mains douces et de mes rêves fervents
je vais incliné vibrant vers d'incertaines beautés
parfois m'a serré le désir du vulgaire
et mes contradictions sont immenses
parce que mes yeux sont noirs
frissonnant de sensualités profondes
parce que ma peau est brune
l'on me demande d'où je viens
et qui je suis
je sais que je viens de terres très lointaines
là les mers sont couleur de beau ciel
les soirs elles pleurent d'étranges agonies
en des couleurs qui ont déteint dans mon âme
je ne sais pas les chanter
mais elles sont berçantes et nostalgiques
comme mes mers étales
je sais que je viens de très loin
mais je ne sais pas qui je suis
mes solitudes et mes absences incomparables
ne me l'ont jamais appris
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GUY LEVIS MANO
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Œuvre Otto Mueller