TROIS LECONS DE TENEBRES...Extrait
Ah solitude,
ma vieille, ma seule compagne,
salut.
Écoute-moi maintenant que
l’amour
comme par
noire magie de la main gauche
est tombé de son ciel,
chaque fois
plus radieux, pareil à une pluie
d’oiseaux brûlés,
battu jusqu’au
brisement, et tous ses os
à la fin furent brisés,
pour une déesse
adverse et jaune.
Et toi, ô mon âme,
prends en compte, médite le
nombre de fois
que nous avons péché en vain contre personne
et une
fois de plus nous fûmes ici jugés,
une fois de plus, ô dieu, sur le
banc
de l’infidélité et de l’irrévérence
Ainsi donc, prends en compte,
prends-toi en
compte, ô mon âme,
pour qu’un jour tu sois pardonnée,
pendant
qu’en cet instant tu écoutes impassible
ou détachée enfin
de ta
mortelle misère
la cascade infinie
de la sonate opus
cent
vingt-six
de Mozart
qui efface dans une si étrange
suspension
des temps
l’image successive de ta faute.
Ah solitude,
solitude mon amie, lave-moi,
comme
celui qui naît, dans tes eaux lustrales,
que je puisse te
rencontrer,
et, te donnant la main, descendre,
plonger dans cette
nuit,
dans cette nuit, à présent,
dans cette nuit septuple du
sanglot,
à travers les sept cercles eux-mêmes qui gardent
au cœur
de l’air
ton enceinte scellée.
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JOSE ANGEL VALENTE
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Oeuvre Bernard Pouchin