NE PRESUMEZ PAS DU TEMPS DE LA VIE...!
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Débat consternant
sur les retraites dont on ne sait s'il ne révèle pas plus le soucis
d'un réel problème de fond et de l'acquis que la
nécessaire quête
d'une économie exsangue, d'un système et, plus encore, d'un gouvernement
aux abois qui se noie dans les déficits, dixit la Cour des Comptes dans
ses deux derniers rapports accablants au sujet de l'Éducation et du
budget 2009. De la rue, nous les voyons compter les manifestants comme
des épiciers en temps de guerre et se prêter aux jeux dérisoires des
estimations de grévistes pour arguer d'un libre arbitre investi et
désormais sans concessions. En êtes - vous là, messieurs, seriez-vous
tombés si bas qu'il vous faut vous rasséréner de chiffres au demeurant
insignifiants et sans aucune valeur! C'est vrai, après avoir éclaté une
société, divisé et jeté les catégories socio-professionnelles les unes
contre les autres, il est désormais aisé de régner et d'imposer votre
seule vision de la situation, de revenir sur des promesses de campagne
électorale et surtout d'avancer une argumentation indigne d'une nation
de culture, de progrès et de surcroît qui semblait encline si souvent au
débat éthique ou pour le moins moralisateur, respectueux des saisons de
la vie que nous traverserons tous. Quelle démonstration
d'intransigeance et de froidure pour celles et ceux qui sont aux
commandes de l'état et qui, à des fins exclusives de comptabilité, de
prospectives, de choix politiques stratégiques et conjoncturels,
s'octroient la liberté de faire payer plus encore le substrat même de la
nation, le peuple et, en définitive, les " Seniors " parvenus au terme
attendu de leur carrière professionnelle, un seuil qui a vacillé déjà en
2003 avec une semonce financière adressée aux grévistes qui ne sont pas
prêts d'oublier...
Indélicatesse, ingratitude, j'irai même à dire
lâcheté de nos nourrins qui se disputent l'auge gavée du pouvoir, quand
des jeunes attendent aux portillons du marché de l'emploi une aubaine
miséreuse et, que des travailleurs en fin de parcours n'aspirent qu'à un
repos bien mérité! Voilà les deux extrêmes de l'âge bafoués par les
options froides et inhumaines d'un autre temps pour tous ces gens rivés à
vie au Smig / Smic ou aux emplois des plus précaires!
Mais ce qui est
bien plus grave au regard d'un débat - qui s'avère certes urgent,
nécessaire, incontournable et, personne ne le niera - reste l' immonde
spéculation que l'on orchestre à tout va et au tout venant qui touche à
l'espérance de vie de tout un chacun... Qui êtes - vous pour deviner et
vous asseoir d'un seul tenant de technocrate, de votre poids or, sur la
durée de l'existence, la viabilité du patrimoine génétique qui fait de
chacun un être unique et différent devant la vie, la maladie, la mort,
l'existence tout simplement? Comment présumer et affirmer avec la force
aveugle et négationniste des moyennes statistiques - n'en faites-vous
pas des indigestions à toutes les sauces - des écarts types à la
moyenne, des graphes et des courbes pléthoriques et colorées, très
jolies, comme ces nouvelles vérités intangibles, irrépressibles sur
lesquelles vous allez fonder un nouveau désordre social, une société
bien plus fragilisée par le sommet et dans ses fondations ?
Pensez-vous
souhaitable qu'il faille également appliquer un coefficient de longévité
aux personnes suivant un certain nombre de critères qu'il vous
appartiendra d'énoncer au gré des déficits et des humeurs de l' entropie
économique mondiale? A quand aussi la mort connue et programmée, dès la
naissance au vu d'une fiche signalétique de la qualité de notre l'ADN,
et satisfaire ainsi les exigences des portefeuilles ministériels, les
priorités ou les bévues, les lacunes de gestion d'ordre étatique,
Européen, multinational? Que faîtes-vous de ce droit à la différence, du
choix citoyen, de l'opinion, du vote solennel civique avant que d'être
utile à certains, qui porte justement la richesse de la démocratie dans
son acception la plus enviable et honorable? Comment affirmer que l'on
vit mieux et plus vieux - même si cela s'avère irréfutable dans certains
cas - lorsque l'on sait que nos sociétés et les modes de vies qu'y s'y
rapportent tuent aussi par accidents de plus en plus nombreux, affectent
l'homme moderne de ces maladies inhérentes et récurrentes, propres à
la surconsommation, à la surproduction, immanentes à nos systèmes
sophistiqués et éloignés des substrats naturels... Qu'elles déciment
plus encore par la route et ces orgies collectives d' addictions - dont
vous tétez avidement toutes les taxes possibles jusque dans les
établissements scolaires !!! ou par tout autre sinistre dont on sait
bien qu'ils trouvent leur origine au cœur même d'une vie active et
professionnelle envahissante, très exposée et trépidante.
Laisserons-
nous faire, quand au terme de 45 années de cotisations - nous y venons à
grands pas - un retraité, pour x raison, quittera ce monde, éreinté,
épuisé, n'ayant pu jouir que d'une ou de deux années de repos, emporté
par une maladie dont tout portera à croire qu'elle sommeillait, révélée
par un patrimoine génétique amoindri, un emploi épuisant, un parcours de
santé défavorable? C'est insoutenable! l'homme de ce monde se voit
traiter comme un code barre, une équation financière cynique et sans
aucun état d'âme. Traitement de choc disposé à sauver un équilibre
budgétaire mais certainement pas un modèle de société comme on voudrait
nous le faire entendre. Il s'agit là d'une usurpation officielle d'un
acquis social, d'une garantie morale d'efficience professionnelle à trop
long terme, un chantage à la poursuite d'un emploi à des seules fins
d'économie budgétaire. Que deviendront nos dépenses croissantes de santé
dans un pays qui caracole au hit-parade de la consommation des
antidépresseurs, des médicaments ?
L'acquis social et la mise à la
retraite à 60 ans était une sorte de compromis plus juste, décent, rodé;
bien que certaines
catégories socio-professionnelles pouvaient, il y
a quelques années, entrer en retraite à l'âge de 55 ans. Je n'évoque
pas les corps de l'État, armée et Police, voire d'autre secteurs qui
avaient et auraient peut-être conservé leurs avantages précieux.
Tout
travailleur, salarié, partageait cet horizon dans la sérénité d'une
relative justice face à ce sujet épineux, pour ne pas évoquer et dériver
sur la pénibilité irrecevable de très nombreux corps de métier. C'est
encore un autre débat à ne pas occulter. Nous possédions une base solide
à partir de laquelle il convenait de jeter des ponts vers d'autres
alternatives reposant sur des choix, des ouvertures, des perspectives
librement consenties et acceptées, voire encore valorisantes. Alors,
toutes ces discussions, ces atermoiements sont d'un monde brutal que
nous ne voulons plus, appartiennent à une logique de système implacable;
on le sait bien, la finance et les comptables règnent en maîtres
absolus.
Quelles opportunités avons-nous dans un modèle à
l'occidentale, dans un pays aussi riche que le notre, présentant un
secteur
productif et de services aussi étoffés. Elles sont innombrables et ne
devraient pas être la source de tensions sociales exaspérantes.
Descendre dans la rue, pourquoi? Ils nous ont pris jusqu'à ce droit de
grève...
Il y aurait mieux à faire, s'unir et résister face à un
choix de société qui nous concerne tous sachant que personne ne maîtrise
son destin, que nous ne sommes pas égaux devant la vie, encore moins
devant celui de notre fin de parcours .
Bien des aménagements, des
réajustements, des propositions sont à étudier et à mettre sur la table
pour qu'enfin, dès l'âge de 55 ans - suivant une échelle de pénibilité
des emplois et des secteurs d'activité - et jusqu'à 65 ans, les
travailleurs puissent en âme et conscience, en toute santé, décider de
la poursuite de leur parcours professionnel, une ré-orientation
possible, avec un plafond Maximum et un seuil incontournable de
trimestres de cotisations qui ne sauraient abaisser l'âge de départ à la
retraite en-dessous de 60 ans ou à son équivalent trimestre pour celles
et ceux qui auraient commencé plus tôt ou qui se verraient attribuer un
coefficient de pénibilité relatif à l'emploi difficile. Si la pérennité
du système d'assurance vieillesse et des retraites est en jeu, sachons
le traiter et observer un panel de solutions pour celles et ceux qui
souhaitent poursuivre au-delà d'un seuil minimum la garantissant.
D'autre
part, que cette prolongation de la durée de vie salariale ne se fasse
pas aux dépends de l'embauche des jeunes, car il faut bien le dire, ils
sont les forces vives de demain; les " Seniors " aussi compétents qu'ils
puissent être ne sauraient prétendre les remplacer!
Réformer,
avancer, innover, etc ... C'est bien! Passer en force un troupeau
national divisé sur le sujet, en pleine coupe du monde, dans la
bétaillère ne s'applique pas aux femmes et aux hommes que nous sommes et
encore moins à celles et ceux qui vous élisent sur un programme dont
l'âge du départ à la retraite ne devait pas être remis en cause!
Je
terminerai sur une note d'esprit si tant est que cette donne est
toujours de mise à l' époque éminemment dorée de l'euro! Répondre à
l'épineux problème de la retraite, de la fin de vie, de ce dernier tiers
qu'il nous revient à tous de profiter, c'est avant tout traiter une
dimension dépouillée de tout calcul politicien et conjoncturel. C'est
envisager les limites aléatoires de l'existence et du don de l'être
social que nous avons été, non dans l'exaspération ou la souffrance, la
fatigue de durer à imposer sans discernement, mais avant tout dans la
sérénité afin que les retraités apprennent à gérer mieux encore leur
temps, leur santé, la famille, des projets, et cela de la façon la moins
coûteuse pour la collectivité tout en étant accessible et productrice
de richesses ( temps libres et tourisme, associatif, humanitaire,
social, culture, arts, etc ... )
C'est une réflexion, elle ne prétend
pas traiter exhaustivement du sujet mais elle voudrait susciter surtout
des réactions quant à l'importante nécessité de cet intervalle
privilégié de l'existence, au respect du temps qu'il nous importe de
défendre afin que l'être humain, le travailleur, le salarié, l'acteur du
système se voit récompenser à parité des mêmes avantages sociaux ou
corrigés, traité non en fonction de la survie d'un système bancal mais
davantage selon les aléas pesants de notre modèle de civilisation, riche
en ressources mais très inégalement réparties et, il faut bien le dire,
infecté de ces très nombreux leurres qui masquent les réalités et les
constats d'échec, pérennisent de dangereuses illusions.
En effet, si
l'on vit plus vieux, dans bien des cas ce n'est pas dans les meilleures
conditions et bien à force de traitements et de soins qui affectent
profondément le cours d'un sursis passager et on ne pourrait plus
aléatoire, si fugace et que l'impéritie de nos dirigeants cherche à
nous dérober jusqu'au bout, comme s'il était indécent de poser le
tablier et d'apprécier cette halte, de vivre un brin de vie libérée des
contraintes et des obligations quotidiennes, salutaires et
réconfortantes pour les générations qui nous verront partir.
Je suis de ceux qui pensent que l'âge de la retraite devrait être celui aussi de la transition entre les jeunes générations montantes, une aubaine et un regain de sagesses à transmettre allégé peut-être de nos faux-pas qui s'enchaînent et acculent gravement un monde dans l'impasse. Une pause des plus active, capable de relancer tout autant un secteur de biens et de services enlisés. Et pour cela, il faut du temps, un temps encore vigoureux et non acculé aux dernières limites de l'usure où poindrait déjà l'horizon du grand départ.
La retraite,
comme on l'a nomme communément et aussi maladroitement n'est pas un
sujet dont les priorités seraient exclusivement d'ordre quantitatif,
financière et de basses vues politiciennes, partisanes, dont on
évaluerait l'intérêt de l'opinion à l'égard du sujet aux seuls décomptes
stériles du nombre de manifestants descendus dans la rue ... Ne le
saviez-vous pas mesdames, messieurs? Lorsque deux ou trois dauphins
sillonnent la surface des flots, il en est des centaines en-dessous qui
croisent et qui migrent vers leur destins que seuls les politiques
industrielles et communautaires tuent et ravagent!
Triste, très
triste ...
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CRISTIAN-GEORGES CAMPAGNAC