DES JOURS DE PLEINE TERRE
Le plaisir sous les doigts filait la magie. Les lèvres roulaient et se creusaient ainsi
qu’une tulipe
habitée par un bourdon. Dans le grand calme oppressant, le don décuplait la beauté.
Alors on
s’ouvrait l’âme pour qu’elle ruisselle et que viennent, par la joie haute et le silence en
flammes,
ces déclivités d’ombre et de lumière, ces étoiles pour des mains de pécheurs, ces
exquises
maturités de pêches brunes ou laiteuses, de brugnons, de poires nobles ou jetées au
tonneau,
d’abricots goûtés en serre, de pommes à cueillir, de coings qui résistent aux gelées, de
voluptés
inénarrables, d’étourdissements de tendresse, jamais tout à fait pareils et souvent
même
dissemblables dans leur gémellité, cependant parfaits à toujours davantage adorer la
sueur de la
vie. Dans ce lent soubresaut de voile aux vents sous la nuit fraîche, le corps entier
abandonné, on
ne se fermait plus comme une tombe. Soulevé par tant de douceur, on renaissait à l’infini
de ces
offres toujours plus riches entre les bras – soufflées comme des chimères.
Des jours de pleine terre
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PIERRE PERRIN DE CHASSAGNE
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Oeuvre Claude Monet