LES FOUS

Ça ne nous va pas, nous les fous, d’avoir un nom.

Les autres êtres
portent leurs noms comme des habits neufs,
les balbutient pour fonder des amitiés
et les font imprimer sur des petits cartons blancs
qui passent ensuite de main en main
avec cette gaieté des chose simples.

Ah ! la gaieté qui montrent les Alfred, les Antoine,
les pauvres Jean et les Serges sombres,
les Alexandre au parfum de mer !

Tous ils déploient du fond de leur gorge qui chante
leurs nom enviables comme de bannières de guerre,
leurs noms qui restent, qui résonneront sur la terre
quand eux seront carcasse et que dans l’ombre...

Ah ! mais les fous, seigneur, nous les fous
qui tant oublions, nous qui étouffons,
nous pauvres fous qui confondons jusqu’au rire
et qui trouvons à pleurer au cœur de la gaieté,
comment faire pour les traîner, ces noms,
les choyer,
les polir comme des bestioles d’argent,
nous qui voyons, à jamais sans sommeil,
pour qu’ils ne se perdent pas dans la poussière qui nous flatte
et nous hait ?
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ROQUE  DALTON
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