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EMMILA GITANA
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22 février 2011

ANGOISSE D'UNE SEULE FIN...Extrait

Être encore où l'on n'est plus
que cet "encore" à vivre.

Les mots de l'amitié précèdent,
toujours, l'amitié comme si
celle-ci, pour se manifester,
attendait d'être annoncée.   

Nous ne pouvons avoir une image
de nous-mêmes.
En avons-nous une d'autrui?
Sans doute, mais nous ne savons, jamais, hélas, si elle est la bonne.

Voir, comme on dirait "au revoir" à un
étranger, en le regardant partir.
Ce qui passe éclaire le passage.
Ce qui demeure, l'annule. 

Ouvre mon nom.
Ouvre le livre.   

Le bonheur que l'on éprouve à aimer n'est pas, forcément, lié à un amour heureux. Il est besoin d'amour. 

Dans le miroir de ma salle de bain, je vis apparaître un visage qui aurait pu être le mien mais dont il me semblait découvrir, pour la première fois, les traits.

Visage d'un autre et, cependant, si familier.
Groupant mes souvenirs, je retrouvais, à travers lui, l'homme avec lequel on me
confond mais dont je suis seul à savoir que, de tout temps, il fut, pour moi, un étranger. Brusquement, le visage disparut et le miroir,
ayant perdu sa raison d'être, ne refléta plus que le pan de mur, lisse et blanc, qui lui faisait face.
Page de verre et page de pierre, dialoguant
entre elles, solitaires et complices.
Le livre n'a point d'origine. 

Jeune est le monde au regard de l'éternité et
si vieux, au regard de l'instant. 

Demande-t-on à une île qui elle est?
La mer la flatte et l'étourdit.
Un jour, elle l'engloutira. 

Fixée à rien. Fixée à l'eau. 

"Comment vois-tu la liberté? - demanda le
disciple à son maître. "Telles, peut-être, deux ailes téméraires se
débattant, au ciel, désespérément contre le vent", répondit le maître.
Et il ajouta : "Reste à savoir, cependant, si --
comme tu l'as supposé aussi -- ces ailes sont bien celles d'un frêle oiseau de passage."
"Et si elles n'étaient pas les ailes du frêle oiseau? -- reprit le disciple.
"Plus juste -- dit, alors, le maître -- serait la comparaison.
"L'image de la liberté serait le vent." 

Chaque vérité œuvre pour sa vérité.
Modeste contribution à la Vérité universelle.
Notre foi en elle, la soutient. 

...toutes ces petites vérités qui viennent miner l'idée que nous pourrions avoir d'une vérité unique.
-- Ce sont des fourmis -- pensais-je -- creu-
sant, imperturbables, leurs trous. 

D'un écrou de mouvement, ne fais pas un
écrou de serrage. 

"La vérité n'existe pas afin de permettre, sans
doute, à nos vérités d'exister," disait-il.
Et il ajoutait : "Le soleil une fois couché, dans
le vide espace céleste, scintillent, pour nos yeux levés, des myriades d'étoiles.
Ô solitude de chacune d'elles."

Nous errons dans la mort, éclairés par nos
vérités insistantes.   

Immuable et juste est la loi. Moins sûre d'elle-
même, la justice. 

Impossible à cerner est, peut-être, la Vérité.
S'efforcer de l'exprimer, c'est, souvent, faire
fausse route.
Déloyal, malgré lui, est le premier mot. 

La vérité comme voie et non point comme voix?
Je crois. Je trace.
Lumière. Lumière. 

"La vérité est un mot imprononçable," disait-il. 

N'entrave pas la libre envolée de l'idée. Tu
serais le premier à regretter l'inconséquence de
ton geste. 

L'âme est sans retenue. 

Le moineau ignore le chien mais il prend garde au chat.   

L'œil rivé à la montre, tremblante attente. Chaque déplacement de l'aiguille te fait
sursauter, car elle te remet en question.
Si capricieux est le futur. Il nous surprendra

toujours.   Attendre quoi, sinon la mort? Et nous la redoutons.
Attendre, peut-être, l'oubli de la mort.

Dieu n'est pas dans la réponse. Comme le diamant dans ses reflets, Il est dans la
miroitante question. 

Chaque battement du cœur est ponctuelle
réponse de la mort à la question angoissée du
cœur et réponse évasive de la vie à l'énigmatique question de la mort.

Le corps est sans projets, sans futur; ceux-ci
étant rêves et désires de l'instant qui le modèle.

Construis ce qui s'abîme. Instruis ce qui s'érige.

Si, hier, je n'étais pas là, pourquoi m'inquiéter
de savoir si je serai là demain? 
Et comment, aujourd'hui, attester ma présence parmi vous, si je suis incapable d'en fournir la preuve? 

Il disait : "Se méfier des idées qui ont pris
plusieurs chemins. Pour les retrouver, on ne sait plus lequel emprunter.
"L'idée ne vient pas a nous. Nous allons a elle,
comme on retourne à la source qui nous a
abreuvés." 

Le monde est petit, si petit que, de lui, le
monde fait une bouchée.   

"Croître en riens.
"Léger. Léger."
disait-il.
-- De quels riens s'agit-
il? -- lui demanda, un
jour, un disciple.
Et le sage répondit : "L'esprit vise, chaque fois, plus loin. Ô vertigineuse poussée vers le haut; mais qu'est-ce que le haut, sinon le perpétuel reniement du bas?"
Et il ajouta : "En bas, il n'y avait rien et là-haut, il n'y a rien mais entre filtre la lumière."

Toute clarté est dans la pensée. 

Le jour tu fondes. La nuit, tu doutes. 

Pour sa gloire, la mémoire inventa le temps
sans s'apercevoir que le temps était, déjà,
mémoire d'éternité. 

Le miroir ne reflète, de nous, qu'une seule
image, celle qu'il a retenue et qu'il nous révèle.
L'épreuve par soustractions. 

On ne peut lire qu'un mot à la fois. 

Ce qui nage a l'âge de l'eau.
Ce qui respire a l'âge de l'air.
Ce qui s'estompe a l'âge du temps.

Soucieux d'attirer, sur lui, notre attention, quel recours a le corps souffrant, sinon d'exhiber, pour nous, des images de sa souffrance?
Mais l'âme?
L'âme douloureuse n'a, de soi, aucune image à proposer.
Elle est ce qui fait souffrir, mais souffre toute seule.   

Apres en avoir été ébloui, le jet d'eau, progressivement, perd jusqu'à la notion de sa convaincante puissance.
Il n'est plus, dans sa fierté bafouée, que forces domestiquées, au service de l'homme.
Ô tristesse insoupçonnée des longs fleuves impavides. 

Crapauds et jardinages: misère du diamant.
Ne demande pas, à l'océan, de t'indiquer la route.
Pose, plutôt, la question au roseau qui l'a perdue. 

Comme on jauge une source, évaluer le débit de sa parole.
La réduire pour ne pas la tarir.

Il disait : "Un bruit de vinaigre." Cela m'a
paru, au début, curieux puis je me suis, peu à
peu, habitué à cette expression sans, toutefois, la comprendre mieux.
"Ne m'arrive-t-il pas, quelquefois, de dire :
"Un silence d'huile?"
Et il ajoutait :
"Les images, souvent, ne sont parlantes que pour ceux qui les emploient."
L'âme et le corps sont la proie des mêmes maladies.

Le jour est malade d'images.
Folie. Folie.
La nuit, malade d'oublis. 

Il n'y a de vrai silence qu'aux tréfonds inexplorés des signes.   

L'hiver a recouvert de neige ma plume.
La page blanche est de glace. Les mots si jeunes, déjà condamnés.
Ah n'écrire, n'écrire qu'avec de mots ressuscités. N'avoir affaire qu'aux mots de la plus haute saison.
Lumineux.   

Ne pas voir. Ne pas savoir. Être.
Aller au bout, puis plonger. élu.   

"Il ne faut jamais laisser réfléchir les malades
-- écrivait ironiquement un sage.
"Pour eux, la maladie prime sur tout le reste.
Et c'est le contraire de la sagesse.
"Un malade n'a-t-il pas, récemment, sombré
dans la démence à force de se croire, réellement, malade?
"C'est qu'il souffrait, sans le savoir, d'une autre maladie." 

On ne meurt que d'une mort : celle à laquelle on ne s'attendait pas.   
Une flamme ne suffit point à la gloire de l'incendie.

Il s'aperçut, en vieillissant, qu'une question,
pour lui, prenait, chaque jour, plus d'importance: comment ne pas vieillir?
Mais il se trompait de question, celle qu'il
aurait dû se poser est la suivante : comment, de la sagesse, conserver toute la jeunesse? 

Le rien est plus audacieux que le tout.



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EDMOND  JABES



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Albert_Oehlen_1

Oeuvre Albert Oelhen

   

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