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EMMILA GITANA
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18 avril 2011

IL ETAIT UNE FOI EN CHEMIN

Découvrez la playlist Sant' Andria avec A Filetta

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 " Le symbolisme n'est pas logique, ne l'oublions jamais. Il est pulsion vitale, reconnaissance instinctive; c'est une expérience du sujet total, qui naît à son propre drame par le jeu insaisissable et complexe des innombrables liens qui tissent son devenir en même temps que celui de l'univers à qui il appartient et auquel il emprunte la matière de toutes ses re-connaissances. Car finalement, il s'agit toujours de naître avec, en mettant l'accent sur cet  avec, petit mot mystérieux où git tout le mystère du symbole..."

Introduction au monde des Symboles - Gérard de Champeaux

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Le maquis a depuis longtemps envahi la plaine et ses multiples vallons; des décennies consacrent alentour l'abandon, l'oubli. Et même si la modernité s'empare de milliers de parcelles de terre à travers la campagne, disperse l'habitat sur l'immensité de la vallée aux pieds des montagnes souveraines, il flotte partout une impression diffuse de désordre, un sentiment de malaise et les constructions de l'homme, jetées çà et là jurent inopinément aujourd'hui dans le temple éternel et majestueux de la grande dépression géologique qui s'offre sous nos yeux, hérissée de pics rocheux, de sentinelles sans âge.

Quelle ne fut pas ma surprise et ma profonde émotion lorsque au détour d'une prairie couverte d'asphodèles, en lisière de la forêt, ont surgi les ruines de l'église Pisane pièvane que nous cherchions ! Un instant, je me revois à l'âge de six ans, à Siem Reap, au milieu des ruines d'Angkor-Vat et de ces temples que des arbres séculaires gigantesques nouaient et soutenaient, de ces pierres que des racines torses et puissantes étreignaient jusqu'à la rupture de l'éternel !

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Une bâtisse splendide se cache au milieu de vieux chênes. Il n'en reste que l'abside et les murs d'enceinte effondrés, un pan de façade, une double voûte imposante qui abrite ce qu'il reste au sol de l'autel. Les pierres sont d'une régularité déconcertante et leurs ajustements, sans faille. Le temps a passé sur la roche grenue, grenée, maisn les contours arrondis en adoucissent l'aspect. Tout autour, un fatras de ruines, des murs irrémédiablement arasés qui plongent dans la terre et finissent en tumulus; il n'est qu'effondrement, chocs et chaos. La végétation règne et bouscule la pierre apprivoisée. Ce manteau presque froid de verdure stigmatise l'oubli, la solitude et ses silences de pierre grise. Je marche autour de l'église et mes pensées en tremblent, frissonnent comme la frondaison envahissante, le dais opaque de la forêt qui étouffe et accable. Mélancolies, nostalgies peut-être, j'accuse le coup, je ne sais plus! Mes yeux s'embuent tandis qu'une lueur diffuse remonte le cours de mes années aveugles...

Je contemple cet édifice élevé au XI ème Siècle. L'endroit se prête si bien à son éclosion, le coteau et l'ubac semblent généreux, baignés de soleil et de clartés. Quant aux hameaux de la Paroisse, ils n'en sont pas éloignés et les chemins vagabondent à l'entour. Les longues tiges d'asphodèles dansent à la brise printanière comme aux champs d'étoiles, les fleurs scintillent et le jour à la nuit ressemble, s'assemblent dans leur poudroiement d'éternité.

Instants solennels et de divine beauté, tant d'âmes sont ici passées pour recevoir les premières caresses de la Foi au baptistère de plan circulaire aujourd'hui disparu. Nombreuses auront été les naissances accueillies et doucement baignées, bercées, les unions scellées et leurs sacrements d'alliance, les deuils aussi, célébrés en choeurs au fond du chagrin et de la liturgie. Et cette abside dont la fenêtre meurtrière, tournée vers l'Est, s'abreuve à la sainte lumière et aux jeux du soleil levant! Ronde, en demie lune, pour vouer au cercle le coeur de la vie incommensurable. Silhouette familière et si belle, allure joyeuse et rassurante qui donnaient alors à la petite église son aura de foi, d'amour et de foyer quotidien. Mais dans leur inexorable chute, les murs confient aux vents, les oremus et les oblations perdus...!

Près du faîte, vers le ciel, je m'attarde sur une croix, un crucifix à part, une pensée des bâtisseurs de la foi incrustée dans l'intimité muette de la Paroisse, à même le mur, très haut, pour défier la durée, loin de toutes les contingences et des hiérarchies rudes du dogme. Une création aussi pure que pourrait l'être cette symbolique virginale et insaisissable, ce sigle, comme une lettre immuable gravée dans le Ciel, cette pensée d'amour concentrant en son sein - g -  l'avenir du fils de l'homme. Les pierres en croix y fondent, y coulent la Foi dans l'azur et l'éther, au bout de la vie, au commencement de l'au-delà, telle une lueur révélée à l'étant dans l'antichambre de l'ailleurs.

Il ne reste du toit de l'abside que ces pierres plates de granit jaune; on les appelle ici - e teghje - Seule une voûte en plein-cintre était capable de soutenir une telle masse, un tel poids. Je me penche sur l'oeuvre magistrale des hommes de ce temps et j'admire. Oui, je m'étonne et m'émerveille devant tant d'humilité, de sobriété, d'esthétique et d'osmoses aussi aux confins du dénuement et de la rigueur de la pierre travaillée, caressée, ourlée ou cintrée.

Quels Artisans étaient-ils, enclins à embellir la roche, le granit, les ornements que leur dictaient leurs desseins si proches de la foi, de l'être ? L'église, dans son ultime survivance, ses dernières suppliques, abandonne aux arbres les offices et les chênes élèvent au ciel ces pierres désunies; prises dans les racines et le tronc, il semble qu'elles implorent le pardon, psalmodiant en silence une longue prière. Voudraient-elles  enfin sortir des ténèbres et de la forêt ombreuse, attiser quelques commisérations et ressusciter un jour, comme l'oiseau à chaque printemps, sur les plus hautes branches ?

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 "N'ai-je pas été bâtie pour louanger le temps, les siècles des siècles,

n' octroyant aux bois périssables que le seul ornement de la nef , du choeur qui recevait si tendrement l'offertoire, à l'abri des vents, des frimas, des brûlures du temps ?

Je demeure, lourde et massive, scellée, arrimée à la terre des ancêtres. Ne suis-je pas toujours là, cette révélation du verbe liant chaque pensée à la pierre ? Comme une gerbe, un feu de paille jaillissant de la nuit, à la Saint- André, serais-je destinée à l'oubli, sous le poids des humanités hélas ! éphémères ?  Cette Lumière qui chaque jour inondait l'âme du pêcheur, du berger, du pélerin et traversait la meurtrière en les aveuglant depuis des siècles, aurait-elle tant ternie, tant aveuglé aussi ...!

Je suis toujours là pour marier la terre au ciel, unifier et bénir la ronde des années et, pour ces noces éternelles, je convie inlassablement les hommes à fêter l'amour. De l'Eglise au Temple, une seule main tendue suffit pourtant à les rassembler et leurs innombrables bras bâtissent la clé de voûte du Ciel, il était une Foi, à la croisée des chemins...

J'essaime le long des sentiers, vers les cols et les crêtes ventés et je témoignerais pour " les siècles des siècles " de l'antique foisonnement de vies sur cette terre de Promissions "

 

Aux Chapelles oubliées, perdues, de tous les coeurs et, de l'Île de Corse

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CGC

 

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