Ô CASBAH MA PEAU
je lègue mon âme aux mille acres de terres vaillantes
mes yeux mes mains mon sexe ma peau et mon ocre
j'offre mes arcanes ancestrales des blancs de la chaux
au feu qui réanime mes doigts griffeurs sur le miroir
qui reflète les vestiges de la sphère évanouie
chaque rêve muré de sursauts étreint ma gorge
j'ai franchi le seuil de l'impasse Médée
dans mon lit dort la tenaille du vieux sabre
vient à ma rencontre la filante lueur de la rue du chagrin
toutes les nuits elle danse nue sur mes épaules excédées
elle forme les voutes imbibées de tourments enflammés
la pierre tombante fait suinter le pourpre de l'age ottoman
elle saigne à flot dans les petits ponts de la cité vierge
en goutte à goutte elle distille le sérum de la force
mon amour adossé aux signes des portes bienveillantes
ah si le feuillet virginal de l'espérance
pouvait atteindre le seuil de mon asile
afin que le filon de ma racine s'élève
jusqu'aux terrasses des amants
je vois le mur au-dessous du tag s'écarquiller
l'enfant à même le sol dessine une marelle
il joue son rêve préfacé par les cris sautant sur des numéros
en haut de Bab Djedid crèche l'escadron de la fortune
à la Casbah pleure une fontaine dépourvue de l'eau
au marché du linceul les fauchés méditent leur dernier voyage
le désordre humain loge dans ma valise
je grave infiniment la mémoire de l'ombre
au rythme des saisons ponctuelles
celles qui n'obéissent guère à l'horloge maligne
quand j'écoute le murmure du vent
et l'écoulement de l'air
toutes les brumes virent au soleil levant
je pleure alors le soleil couchant
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KAMEL YAHIAOUI
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Oeuvre Marina, peintre d'Alger