LES PORTES D'EN BAS...Extrait
"Au British Museum j’ai pris le Glad Day de Blake – celui qui reste est forcément un faux. L’opération était délicate, mes yeux n’étaient pas encore habitués à ce genre d’enlèvement, il fallait faire très attention et au début ils se fermaient trop tôt. Il y avait pourtant le temps – il y en a toujours. Dans la grande salle personne ne s’occupait de moi, des garçons désinvoltes et charmants remettaient en place des cartons et, au centre, devant un pupitre surélevé, un monsieur très digne prenait note des besoins des quelques privilégiés. La gravure, colorée à la main, était placée à ma portée sur un petit lutrin, sa texture était celle d’une aile de papillon. Je l’enlevai parcelle par parcelle comme une fresque. La chair était merveilleuse, en même temps fraîche et encore chaude du soleil. Je dégageais d’abord la main gauche de la nuit pour laisser encore la droite à l’aurore – tout le corps
voyait. Dans l’air les pieds gardaient leur équilibre, quelques cailloux s’étaient déplacés. Le ciel suivait tout ce soleil dans ma tête ! Au bord noir du nuage, la pluie s’égouttait, mais cela s’est passé sans laisser de taches. A la fin je me suis levée calmement, il ne fallait surtout pas attirer l’attention, et je suis sortie sans empêchement. Mais où déposer cette étoile de chair,
où ?"
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HEATHER DOHOLLAU
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Oeuvre William Blake