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EMMILA GITANA
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1 septembre 2011

LE SOMMEIL PRES DU CIEL

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«  … Et au fil du lent dévalement des montagnes grandissaient et s’élevaient en lui un désir de steppes arides, le souhait du dénouement, tout près du dénuement, uniment …

Je décelais alors à travers l’immense chaos cinéraire l’ombre de deux hémisphères, ronds et doux comme la terre, un fruit généreux et immortel … »

Nous avons cherché un jour durant à percer une énigme, le soleil dardait de terribles rayons ; il importe si peu ! nous naviguions à bord d'une île, près du ciel ...

Telle une apothéose, ce dernier jour du mois d’Août fit une halte au firmament d’un regard épris de vastes steppes. A l'acmé de la gigantesque pyramide de blocs et de rochers polis je m’en serais bien remis pour l’éternité aux étoiles. Je me serais alors lové au cœur de la pierre comme un fœtus et son double, avant de renaître ... Si près de la stèle et de ses baies, blotti au plus doux du nid de la candeur et de l’innocence, je vécus le trouble de la découverte, les innombrables doutes qui fondent l‘après, guident l‘instant présent vers un futur irrévocable ...
Je ressentis pour la première fois la certitude du vide, de l’abandon, de la tristesse et de la mélancolie que comblent si violemment les vents aveugles d‘altitude.

La brume et les nuages que la terre exhalait comme l’haleine des plaines, les fumerolles du volcan qui montaient des vallons et des ravins à l’assaut du ciel semblaient par moment l’entacher de tous les relents conquérants des basses vallées et de l‘insouciance estivale.

Ce n’était pas l’encens des hommes ! qui l’aurait du moins si justement, si clairement prétendu ? Non, mais qui sait, l'encensoir des monts, l'offertoire que la grande nature perpétue en ces profonds calices élevés à l'encontre de l'azur, des marins, des solitaires en toutes saisons !

L’horizon se diluait alentour, se confondait avec les ciels qu’une île s’était choisis, parvenue avec "Lui" au terme de l’espoir et de l’abnégation du possible, de l’inimaginable. Je sentais flotter, tout autour de moi l’indescriptible présence de l’au-delà, accumulée en chaque figement, chaque parcelle de moraine. Des rivières de blocs coulaient ; on eût dit des torrents qui roulaient un flot tumultueux et se perdaient au loin vers les vallons ocreux et roussis par le soleil. Dès l'automne et jusqu'au printemps, l'eau en empruntait le cours abscons, cristallin, s'égarait vers les pozzines *** dans un bruissement sacré et convenu...

Mon Dieu, quelle avalanche de silences pesait en cet instant sur nous, quelle chape bouleversée aurait-elle pu mimer si bien le chemin ardu et pentu de l'humanité !

O stèle immémoriale qu’illumine le nombre, la multitude réfringente et argentée ! Pourquoi cette prosternation engendrée d'un commun accord au zénith de toute révélation ?

Non que j’eusse souhaité me confier, verser quelques larmes, épancher maints états d’âme en ces terres lointainement transhumantes d'estives et bucoliques, mais il sourdait en moi, à l’unisson des versants, des coteaux, des bosquets, l’expression, les manifestations ubiquistes d’une présence, de l’ impossible oubli ou de l’absence confidente : deux vies sibyllines qui s’en seraient allées mystérieusement, soudainement , ici, en ces lieux d'extrême rudesse et de pleine splendeur !!! 

Et si j’avais eu en ce moment une vision claire de la mort et de l’après, il aurait alors semblé m’en approcher, la tutoyer, aux confins et à la limite des sens, au seuil de l’esprit, de ces petites âmes qui planaient peut-être au-dessus de nous comme le vol tenace et persistant du milan, de l’aigle royal dominant de son aura l‘étendue immensurable du massif.
Je voyais en lisière du repos éternel poindre une autre espérance, les feux parfums de la plénitude, de ces fleurs jumelées que le haut plateau avait en un éclair émerveillées et ravies pour toujours … 

Étrange journée au royaume de la pierre ! Citadelle verticale, cirque minéral, nef éthérée où chaque attention est une invite légère et si douce à l’envol, à l'élévation !

Le pas y est mesuré ; lourde et pénible en devient l‘ascension. Mais dès le premier regard, durablement et sitôt saisi, le paysage inflige les métamorphoses de l'envoûtement, suit indéniablement Un Seul Guide... L’empreinte poignante de l’espace est pareille à mille étreintes que le souffle, l’azur, la clarté, la plainte stridulante du rapace se disputent inlassablement vers l'empyrée comme un écho de l'au-delà .

Alors, j’ai cherché, je me suis rendu au plus près du dictamen incompréhensible de l’homme parvenu aux barreaux  serrés de l‘étant, du marin épris d’astres, de triangulation et de constellations, rendu, qui sait ici, pour projeter vers la nuit le fruit de ses rêves incompris, de l’unicité déchue et à laquelle il n’aurait osé croire ou pensé qu’elle fût alors probable.

Entre l'hiver des crêtes et la nuit obscure de la foule, il aura alors choisi son port !

C’est un gouffre sans fond, une spirale astrale, le vertige des étoiles à la portée d’un sommet, d’une cime ; un sanctuaire élevé tout près de la voûte céleste afin que des milliers de mots et de maux comparaissent devant le Créateur au coeur de la basilique céleste, sur l'Autel de nobles Citadelles  …

Et ce langage crypté, d’une implacable géométrie, à la source du ciel, sis à des centaines de Milles pour entonner à jamais le cœur finissant d’une belle symphonie, le chœur frémissant d’une sonate en plein ciel, l'assise pyramidale, paradigmatique, presque mythique d'un pacte scellé au temps mêlant là, à la face des mondes, la ronde souveraine de la vie et la mort.

Aussi cruel et monstrueux qu’il eût pu paraître, l’acte désespéré n’en serait-il pas moins aussi une offrande à l’éternité, à l‘infini ? En serait-il alors plus compréhensible appendu lourdement à la charpente du réel comme le sacrifice consenti de sa vie quelques temps après l'inommable dilemme, le reflet infranchissable d'une vie, de ce miroir sans tain duquel on ne revient plus ?...

Un don certes prématuré, mais libre et qui se voulait désespérément affranchi de tous les péchés, parvenu au point de non-retour, afin que la candeur livrée et si faible en fût définitivement épargnée, protégée, demeurée intacte, intouchable.

Un acte exalté, inconsidéré, livrée de la folie eût-on aussi souhaité, presque aveugle dont les moyens auraient épargné les souffrances, dépossédés qu'ils étaient de toute engeance et qui pourraient avoir signifié l’abandon, la fin d’une pénible traversée, une démission, une délivrance sans concessions et brutale.

Une supplique loin de tous les usages douteux qui, dans un geste d’ultime désespoir eût pu se faire pardonner à l‘orée du ciel, de la nuit céleste, d’une prochaine aurore ! si loin de toute la comédie humaine ...

Mon Dieu, où serait donc la raison, la vertu, la conscience du bien et du mal si ce n’est là, au faîte de la vie, au bord du grand saut, si près de la mer tellement bleue ? La mort est partout, à nos pieds, sur la vire et le ressaut que les illusions balaient d’un seul trait avec le coup de vent, à leur guise, indéfectiblement alliés .
Quelques chiffres, des coordonnées mathématiques irréfutables et pourtant ! Nous errons, butons, gravissons en vain. Ne voyons-nous pas encore qu’en ce bas monde les sens limitent, ombrent toute vision, enténèbrent toutes les promesses de l’au-delà ? Qu’il en est finalement de l’ailleurs comme ici bas sur la terre : l’ineffable mirage de l’être que les siècles orchestrent le long des rêves, une histoire sans fin aux improbables, aux possibles recommencements qui juchent le sol comme une hécatombe de rossignols ...

Et chacun de ces doutes qui nous accompagnent et nous exhortent, traversant l’absurde ou la nausée, sont en fait les ferments même de l’espérance, le levain de chaque parcelle de joie ou d'amertume, toute vague unique d’existence portée à la croisée de deux âmes promises ?

Je ne m’en remettrais qu’à la beauté, à la transparence, à la pureté de ces rêveries que rien ne saurait souiller pour mieux coudoyer l’esprit impalpable du verbe, pour fustiger radicalement les vils desseins de l’éphémère, pour comprendre ou embrasser peut-être et aussi les extravagances du libre-arbitre et de ses limites intolérables, inconcevables et que toute transcendance eussent étayées en vain ...
Un homme désespéré aurait donc choisi le sépulcre minéral sans échos où l’eau et la roche creusent avec la bise les yeux de l’éternel, consent dans les lointains à l’espoir des sources … Les vents y chantent la liturgie des îles à la dérive, et chaque nuit appartient résolument aux étoiles, aux hasards .

Il a su et compris que tous les horizons convergeaient vers le même Ciel, qui ne concèdent de distance et de durée qu’aux corps grevés de toutes ses contingences immédiates, celles d’un monde impie, impur et sans promesse amoureusement tenue, le prisme traître et si souvent déloyal du quotidien.

Il savait peut-être que dans les fondements irréfutables de la pyramide, de la légende, d’un sommet prompt à cueillir le sommeil du ciel, germe lentement un songe de renouveau,  une possible renaissance, l’immanente foi en un Univers d’apparences en route vers le Néant, Dieu, l’Infiniment petit, l' Invisible et l'Immortel qu'il nous suffit une seule " Foi " d'avoir nommé pour y croire et tout donner  …

 

 *** Une pozzine est un trou d'eau observé dans les montagnes Corses

 

1 ère Ecriture le : 1.09.2011

2 ème Ecriture le : 2.09.2011

3 ème Ecriture le 6.09.2011

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CRISTIAN-GEORGES CAMPAGNAC

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