FESTIN
Allonger le pas
Jambes nues sous la jupe de soie
Au sortir de l’hiver
Aux sens affamés la tiédeur est festin
Les petites mains des jours
Ont rougi la pointe des carottes
Ourlé les salades poivrées
Enduit de vert pâle les olives
Au cœur noir – amertume délectable
Les petites mains des jours
Gardent mon désir vivant
Dans ma jupe de faille
J’avance dans l’allée du marché
Parmi son peuple d’odeurs
Si proche encore de la nuit
Le jour est faillible
Festonné d’ombres
Exilé encore à la pointe de nous-mêmes
Les regards parfois défaillent
Sur la falaise de nos fatigues
Mais les parfums
Ne nous lâchent pas
Filet enivrant
A mes sens affamés l’insomnie est ivresse
Voix rieuses qui s’interpellent
Tintements de métal
Crissement des étalages
Tenir à distance l’inutile
Prendre la tasse de café entre ses mains
Tenir entre ses mains ce puits parfumé
Festin minuscule
Ne plus douter
Par la grotte de la bouche
Connaître le monde
Dans la toux des camions
L’essence fume bleue
Poison enivrant à ceux qui ne se défendent pas
Comme jadis la colle
Au secret des cartables
Bras qui tirent seins tendus
Pointes de vert provoquant – têtes d’asperges
J’ambes nues sous la jupe de soie
J’allonge le pas
Paniers remplis d’odeurs de vies violettes
Et vertes
A chaque main
Les coquillages et le pain
Les pois et les courgettes
Le poisson et les pommes
Le gingembre et le vin
Pour les
Petites mains des jours
Ouvrières modestes
D’un ciel sans couture
Une poétique quotidienne
Festin.
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CAROLE MENAHEM-LILIN
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Oeuvre Hendrick Van Balen