AMANTES D'AURORES
Je t'ai cherchée partout et nulle part
entre la fleur et la tige
entre le jour et la nuit
parmi les rires du sommeil
parmi les caresses de l'absence
Où es-tu fille de la nuit
déjà le poème s'essouffle et les mots s'esquivent
la plume danse des arabesques saoule de son vin noir
les voyelles sont distraites
et les consonnes rétives errent en procession
sur le vide de la page qui bâille
Tu seras seule à comprendre ce soir pourquoi
j'écris ce poème de sexe et d'olive de sang et d'amour
Je voudrais te parler dans le ventre de la nuit
à l'heure où des miettes d'étoiles dansent sur ta bouche
de miel et de fièvre
Où es-tu fille de la nuit
je sais que tu reviendras
parce que je suis le fauve de ta tanière
le reptile qui te serpente et qui te ramène à la lumière
du jour
Déjà je mords tes paumes
et chante dans la fraîcheur de tes cheveux
et je n'ai plus d'oreille que pour l'évangile de ton chant
quand l'harmattan du désir
flagelle nos corps
Tout à l'heure quand je te retrouverai
tu me diras l'heure
et plus tard tu me rediras l'heure
nous irons acheter des journaux de droite et de gauche
gauche-droite droite-gauche
Je les lirai de l'est à l'ouest
tu les commenteras du nord au sud
puis nous les disperserons à tous les vents
aux quatre coins de l'analphabétisme et de la faim
Nous irons ensuite écouter les politiciens
il y en a de toutes les tailles et de toutes les couleurs
des menteurs sérieux graves
des prophètes à la bonne heure
Car il paraît que le COMMUNISME est à bannir pour
la paix du monde
le CAPITALISME à combattre pour la paix
du monde
le SOCIALISME à redéfinir pour la paix du monde
et que pas une nation n'a pris pour idéologie l'AMOUR
Nous irons vivre ailleurs
car Dieu doit habiter ailleurs
Nous ferons des enfants de toutes les races
je t'aiderai à bercer les uns à faire manger les autres
Je sais qu'ils seront beaux nos enfants
et qu'ils n'entrerons pas dans la vie par la grande porte de
l'argent et de l'insolence
ni par celle de la vanité et de la lâcheté
Ils ne seront ni les aînés de la bassesse
ni les benjamins de l'assassinat
J'irai avec toi par toutes les routes offertes aux pas
semer à la berge des souffrances les premiers plants
de la LIBERTE
Nous bâtirons des cités sans maisons et sans rues
sans prisons et sans haine
Manthie j'aurais tant aimé te mentir
te dire qu'aucun petit garçon n'a faim quelque part
sur la Terre
te mentir te dire
que les cimetières ont fermé leurs portes
te mentir te mentir Manthie te mentir
te mentir
pour que tu ne connaisses jamais la haine
pour que tu ne reconnaisses jamais le délire des fauves
pour que tu ne côtoies jamais l'orgueil et la folie sortie de
leurs grottes glacées
Te mentir Manthie
pour t'aimer d'innocence
Merci à toi Binta de Awa l'aurore
ma mère belle comme jamais sept lunes sur une
savane d'argent
Locataire du néant
fou d'une liberté sans terre
le monde est infidèle à mes rêves
Et les femmes sont amputées du rêve d'aimer
les hommes du rêve de vieillir
Les oiseaux du cœur ont donc migré la pleine lune
et je flirte avec des cœurs dégarnis
seul parmi la roche effeuillée
la fête des péchés
parmi l'arachide rebelle
parmi le mil rebelle
le coton rebelle
le germe rebelle
Seul avec l'hirondelle offensée
seul parmi l'enfance délaissée
le désir mutilé
parmi l'étoile faussée
l'émeraude brisée
les cauris effrayés
les cercueils cloutés
les fenêtres fermées les portes fermées
Je veille ces pays mon pays
ce pays fou de ses fils
fou de sa liberté
infidèle à ses rêves
Mon pays n'est pas né d'une femme…
et pourtant dans mon pays vois-tu
le soleil est une femme le jour est une femme
la joie est une femme le rêve est une femme
le pardon est une femme le chant est une femme
et je suis né du chant des femmes
Viens
partageons l'étoile tombée cette nuit
derrière le sommeil des Prophètes
J'aime regarder
le Sénégal s'endormir le soir sur tes paupières
et se réveiller le matin dans tes yeux
Tu seras l'Unique Miracle des goélands
la GRANDE TERRE
celle pour qui je veux encore
vivre et accepter D'AIMER
.
AMADOU LAMINE SALL
.