(...)
peut-être faudrait-il encore un peu de ces minutes qui s'éternisent quand un seuil resplendit soudain, vif comme un midi surgissant ou alors contempler la lente agglomération des grains blonds quand ils se sculptent au gré des condensations, des Gestalts, pour que germe très doucement en l'abri calme de tes paupières le regard peut-être viendrais-tu au monde clairvoyant d'entre les clairvoyances peut-être viendrais-tu vraiment au monde pour la toute première fois

nous naissons vagissants expulsés sur un claquement de laps clignant des yeux éblouis on dirait une voile gonflée trop vite emportant tout, tout, les couleurs les fibres et les vents, nous passons d'infimes boucles en infimes boucles, nous passons mensongèrement grandis graines de dendelions ébouriffés en rêve de germinations tendres et floues nous ne savons rien pas même l'enfance nous ne savons rien sinon des orgueils et des vanités et à peine si peu les douleurs outre le corps et encore à peine si peu la pensée que nous fuyons nous fuyons nous fuyons

à chercher l'éclat minutieux la teinte de l'instant en sursis déposé sous tes yeux sans que tu ne l'aperçoives à trouver sans doute à quelques frôlements ou à tes pieds la petite pierre des achoppements, les petites pierres, l'insu des espaces lovés entre tes perceptions, à trahir le moment à tant le prendre et l'échapper sans cesse et sans le goûter ni l'embrasser entier qu'est-il acquis sinon la perte

j'aimerais tant savoir tracer pour toi le dessein duquel tu fais partie et qui n'est rien sans toi ni sans ta continuité sans la quête des accomplissements simples pour border les lacunes immenses bleues d'attendre le jour en la nuit

.

CATRINE  GODIN

.

gertrude_k_sebier

Photographie Gertrude Käsebier