UN MEDECIN FRANCAIS DECRIT LE CARNAGE DE HOMS EN SYRIE
Les atrocités qu’il décrit laissent deviner la terreur de la répression syrienne. Jacques Bérès*, chirurgien humanitaire français, de retour vendredi 24 février d’une mission de 19 jours en Syrie, a raconté le « carnage » dont il a été le témoin dans la ville de Homs, au centre de la Syrie, bombardée sans relâche par les forces de Bachar Al Assad.
Dans cette ville d’un million d’habitants, assiégée depuis plus de trois semaines par l’armée syrienne, ce témoin relate des bombardements menés avec une régularité métronomique, dans l’aveuglement le plus complet : « Ils sont réglés ces gens-là, je ne sais pas, à 06 h 30 ça démarre, ça durait toute la journée », témoigne le chirurgien orthopédiste, qui fut l’un des cofondateurs de Médecins sans frontières (MSF) en 1971.
« Les rues sont complètement désertes et quand les gens sont obligés d’aller chercher de la farine pour faire du pain, ils profitent d’une porte cochère, ils se font des signes, pour voir s’ils peuvent passer sans encombres, poursuit Jacques Bérès. J’ai vu la souffrance inutile, la cruauté, la méchanceté, la souffrance des enfants, des familles.
« La ville a subi de gros dégâts, ce n’est pas tout à fait Berlin de la seconde Guerre mondiale, ce n’est pas encore Beyrouth, mais ça va le devenir » assure-t-il, en insistant sur la pénurie d’eau et d’électricité. « C’est insupportable, c’est honteux, les gens meurent et on ne fait rien », s’indigne le médecin, qui aimerait « y retourner », tout en ayant conscience d’« être une cible » pour les forces syriennes.
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*Chirurgien et cofondateur de Médecins sans frontières (MSF), il est l’un des plus anciens de la médecine humanitaire.
Incontrôlable. C’est aussi le souvenir qu’il a laissé chez Médecins sans frontières (MSF), dont il est l’un des cofondateurs. « Il a la réputation d’être un risque-tout, véritable trompe-la-mort d’une grande ténacité, se souvient Rony Brauman, l’un des anciens présidents des French doctors, qui l’a croisé dans les années 1970. Chez MSF, il faisait ce qu’il voulait, ce qui est difficilement compatible avec les contraintes d’une organisation. Mais il a contribué à insuffler cet esprit d’audace et d’aventure au mouvement. »
Un habitué des conflits
Né en 1941, fils fortuné d’un célèbre libraire, Jacques Bérès a découvert la chirurgie de guerre au Vietnam, en 1967. Dès lors, sa petite trousse médicale au bout du bras, l’homme n’a cessé d’arpenter le monde, de conflits en catastrophes. Liberia, Bangladesh, Tchad, Congo, Tchétchénie, Rwanda, Irak, Sierra Leone, Liban, Palestine… Le chirurgien prend l’habitude de déserter ses patients français pour des courtes missions, si possible au plus près des violences, perdant deux doigts au passage à la suite d’une blessure par balle. « Face au danger, il est d’un grand calme, presque détaché », témoigne le médecin Bernard Guillon qui l’a côtoyé à Gaza.
Depuis qu’il est arrivé à Homs, il y a une vingtaine de jours, Jacques Bérès n’a pas cessé d’opérer sous les bombes, entre deux coupures d’électricité. Sur le site de l’Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis, il a témoigné de l’horreur des bombardements, du manque d’eau et de médicaments, de la mort de ses patients, de sa fatigue, aussi, après tant de nuits sans sommeil. « Il voulait quitter la ville, mais il a dû renoncer tant il est dangereux de se déplacer à l’air libre », confiait hier, non sans inquiétude, M’hammed Henniche.
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