FEVRIER
Les flots libérés chevelures aux vents accouraient
Quelle autre chevauchée eût portée la mer en liesse
Et la houle lointaine soudaine et ample
Eût essaimé vers les îles la floraison des ciels
Les récifs comme les hauts-fonds brisaient
Et une marée d’écume chamarrée d'émeraude tavelait
Sous une pluie inépuisable d’embruns
Les vastes prairies marines de chatoyantes ocelles
Les nuages cotonneux filaient sous un ciel caprin
Emportant vers les horizons levantins
Les froidures lanugineuses et les rigueurs du Ponant
Dilacérant profondément les abysses azurées
L’esquif voguait à vive allure ivre de vents
Une voile dansait et palpitait en ce chœur ondé
Au diapason des ailes de l’oiseau virevoltant
Qui cinglaient joyeux et complices de l’archipel
La tempête tonnait à la côte festonnait les rivages
Et par le vaste vacillement Une âme
Soulevait parmi les moutons les crêtes et les rochers
Mille pensées d’amour et d’heureuse migration
Que pour eux en l’instant la vie sacrée exultât
Qui des bourrasques et des rais fugaces du soleil
Confondait à l’infini l’indicible harmonique
L’éclosion et les desseins lumineux des mondes
Pour l’indéfiniment petit que le souffle hèle
Au hasard qui en ces jours de fuite recueille
Ses larmes de sel au goût amère de la trahison
La Tramontane consent et avec lui s'épanche
Février blanchit à l’amandier une vague s’étiole
Le printemps aura déjà passé et qui sait
Ravi imperceptiblement liens et souvenirs
Que Novembre obscur à nouveau ramènera
A la lueur redoutée d’une bougie d’un phare
A bord du vaste sommeil des mers
Vont à jamais les vents et l'oiseau
Traverser unitivement l’éternité d'un seul mot
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CRISTIAN GEORGES CAMPAGNAC