LE LIVRE DU VENT ET DES FLEURS...Extrait
Mon fils, donne-moi ta main et regarde-moi dans les yeux
Je vais lire les années où tu n'as pas encore erré
Je verrai la terre où tu cherches en solitaire
La mer qui s'est ouverte pour que tu viennes jusqu'à moi
Et les flots jetés à ta poursuite.
Vois, tes yeux passent d'une couleur à l'autre
De la couleur des feuilles vertes à celle de la terre,
Tes yeux semblent ne pouvoir se décider,
Ils se fondent dans la tempête
Ils sont emportés par le torrent.
Tu n'as pas de pays, mon fils, parce que le tien t'a rejeté
Ou peut-être l'as-tu quitté parce que tu ne l'aimais plus,
Ta mère, ce n'est pas les rochers durs comme le silex,
Ce n'est pas la terre
Ou les rochers faits de sang battus par les vents
Ce n'est pas la terre au sens où tu l'as toujours cru.
Ta mère, c'est la brise marine qui se lève sur les flots,
La poussière qui vole sur les routes et les champs,
La vague qui ne t'a enfanté que pour te rejeter
Ta mère, c'est un oiseau fou qui ne sait pas où il va
Ta mère, c'est la vie qui bat dans tes artères.
Va, mon fils, suis le chemin que tes yeux te montrent.
Pars chercher la terre que tu ne trouveras pas.
Parcours les rivages qui s'étendent sur les eaux.
Tu continueras à porter ta peine, à être blessé par l'amour
Beaucoup te feront l'amour, personne ne t'aimera ;
Tu voudras trouver le repos dans des lits vastes et propres
Tu ne le trouveras pas et tu ne pourras pas fermer les yeux
Tu pleureras les pas que feront tes jambes
Tes jambes qui marcheront sans savoir où elles vont.
Va, mon fils, où le vent te mène,
Va, cherche la femme la plus belle qui ait jamais vécu
Va, nourris-toi des fleurs et étanche ta soif avec l'eau
Des grandes vallées des terres lointaines.
Car tu n'es rien d'autre qu'une rafale de vent affligée
Et maintenant il ne te reste qu'à ouvrir grand les bras,
À ouvrir les yeux, à respirer un grand coup
Et... à prendre ton vol.
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IMMANUEL MIFSUD
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