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EMMILA GITANA
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17 juillet 2012

JE VOUS ECRIS D'UN PAYS PESANT

Aussi belle que la main de l'aimée
sur la mer.
Aussi seule.

J'écris pour vous. La douleur est un coquillage. On y écoute
     perler le cœur.

J'écris pour vous, au seuil de l'idylle, pour la plante aux feuilles
     d'eau, aux épines de flammes, pour la rose d' Amour.
J'écris pour rien, pour les mots luisants que trace ma mort, pour
     l'instant de vie éternellement dû.

Aussi belle que la main de l'aimée
sur le signe.
Aussi seule.

J'écris pour tous. Je vous écris d'un pays, pesant, comme les pas
     du forçat, d'une ville pareille aux autres, où les cris camouflés,
     se tordent dans les vitrines ; d'une chambre où les cils,
     ont détruit, petit à petit, le silence.                    
Vous êtes, destinatrice prédestinée, ma raison d'écrire ;

l'inspiratrice joyeuse du jour et de la nuit.
Vous êtes le col du cygne assoiffé d'azur.

Aussi belle que la main de l'aimée
sur les yeux.
Aussi douce.

Je vous écris avec la chair des mots accourus, haletants et
     rouges.
C'est bien vous qu'ils entourent. Je suis tous les mots qui m' ha-
     bitent et chacun d'eux vous magnifie avec ma voix. J'ai
     besoin de vous pour aimer, pour être aimé des mots qui
     m'élisent. J'ai besoin de souffrir de vos griffes afin de sur-
     vivre aux blessures du poème.

Flèche et cible, alternativement. J'ai besoin d'être à votre merci
pour me libérer de moi-même.

Les mots m'ont appris à me méfier des objets qu'ils incarnent.
Le visage est le refuge des yeux pourchassés. J'aspire à devenir
     aveugle.

Aussi belle que la main de l'aimée
sur le sourire de l'enfant.
Aussi transparente.

Je songe aux jouets de mes cinq ans. Une fois miens, ils furent
     les maîtres. Je croyais pouvoir, avant qu'on me les offrit,
     les manier à ma fantaisie. Je m'aperçus très vite que je
     pouvais les détruire au gré de mon humeur; mais si
     je les voulais vivants, que je devais respecter leur mécanisme,
     leur âme immortelle.
Ainsi le langage.

Je dois aux mots la joie et les larmes de mes cahiers d'écolier,
     de mes carnets d'adulte.
Et aussi ma solitude.
Je dois aux mots mon inquiétude. Je m'efforce de répondre à
     leurs questions qui sont mes brûlantes interrogations.

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EDMOND JABES

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COQUILLAGE

 

 

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