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EMMILA GITANA
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1 septembre 2012

LES NUITS ARMEES

à Gaston Miron

 

à Paul-Marie Lapointe

 

les millions d'oiseaux rageurs traversent mon crâne millions d'ailes à
battre dans mon sang le rappel des matins soldats

où vivre épousera la mort transgressée

millions de pas de frères déjà franchissent mes vertèbres et c'est moi
cloué vif sur la crête des nuits buveuses du sang natal

vibrent leurs pas dans mes neuronnes je suis atteint je luisje suis le
veilleur et la lampe

l'éclaboussure des sangs cadenassés nos premières foulées dans la
reconquête des bases et de la santé

c'est moi veilleur et nul au tressaut de la pointe j'intente aux nuits
fermées la césure du jour

nous-mêmes partageant l'espace apatrié

l'aube m'abolira que j'arrache à mon corps

naître naître à nos corps folle flambée d'aurore sur les montagnes
bousculées

combattre au nom de ce qui se tient dans le jour femme pays la couleur
violente de la semaine et du futur enchevêtrés

le jour humain du sang

la bouche au baîllon
la gorge au rasoir de l'ombre
périr en tam-tams d'insomnie

(le carrelage hurle ses fours aux fenêtres hallucinées)

l'ombre a dévoré les miroirs le ciel assommé bave sur les seuils
l'ombre a dévoré le pays les vents y creusent leurs couloirs sanglants
où l'on couche les grands corps éteints de nos vendangeurs de haine de
nos vendangeurs d'amour
novembre les supplicia

ce peuple est un lent cortège qui rebrousse en sa mémoire les sentiers
de son aurore
il porte déjà son deuil

mille bouches grinçantes le Nord s'ouvre fleur multilame des glaciers
ce peuple meurt aux lampadaires du silence
cierge aux doigts fins de l'officiant castrat

a-t-on fermé les portes du matin

mon corps naît d'aube à peine et j'ai mal

d'avoir fait les cents rues de l'espace j'ai fini par savoirl'espace
dans nos pas vacillel'espace plaie s'écoule aux fondrières du Hoquet divin
le voyage est malaise et le soleil dérape dans les songesle soleil
saigne dans le charbon
c'était là le matin et nous n'avons jamais quitté le charbon

malaise les fleurs malaise les eaux mensonge tous ces oiseaux dans le
quadrille des dimanches
de mal me tenir dans le jour j'ai su que depuis toujours la nuit
rongeait nos matins
que fleurs et rivières hirondelles voilent en brillant la bête affamée

je n'ai jamais quitté le sentier qui menait au moulin de l'étrangleur

je m'enfonce plus sûr qu'un train entre les dents du malheur
et le ciel croule et les toits crient très lent très lente imperceptible
chute

...au temps nul de naître jamais de mourir toujours ? tout lieu se
dérobe à fonder le pays l'espace de vivre ? quelles mains viennent
palper nos fronts barrés
déjà l'ombre corrode la pierre d'accueil le seuil de nos gestesl'infâme
faim dévaste nos blés faim de sommeils et de terriers
au coeur la forêt brûle et le sourire craque
la geôle nous rentre au corps nous dévore

nous voici geôliers de nous-mêmes

sentinelle coupée des chemins de lumière je nais au plus haut foyer de
la solitude
je saigne et je m'éteindrai aux faisceaux inouïs de l'obscur

soleil qu'on nous a volé soleil roué sous les dalles soleil nôtre dans
nos pas à rebours des horizons verrouillées
tam-tam du sang natal hurle à nos poings

le sang failli s'annule en tous miroirs aveugles nos cris ne peuvent se
joindre et tresser l'entrelac d'une fronde à tendre contre le roc
ouranien du Maître

nommer la terreur du sang
la foudre du sang
qui nous rende aux plages finies d'une terre qui flambe nôtre dans nos
bras armés

rebrousser pas à pas le pays de nos blessures remonter le cours de notre
malheur apprivoiser du moins notre maigre mort

ô jour fable à réinventer
nous ne fûmes jamais du jour

ce peuple dort aux caveaux de la honte entendez la rumeur du sang bafoué
au creux du fer et de la houille
entre l'étau leurs tempes leur front aux ronces de l'Hiver
tout un pays livré aux inquisiteurs aux marchands aux serres des lois

j'entends le sang contre la porteaux pas sourds de la fièvre en nuit
montent les lunes poitrinaires
le front bas sous le ciel hurlé nous avons mené nos chemins en forêts
pour les dresser suicide sur l'autel de la dérision
des doigts sacristains les ont noués à jamais dans le vitrail du délire

les hommes d'ici devisent posément de choses étrangères ils n'entendent
pas le bruit que font dans leur cervelle les lunes crissants couteaux
et les sombres fruits coupés de l'arbre aussitôt choient aux marais

à l'étroit dans le cierge et l'ogive notre feu se châtre et vend aux
idoles sa mort interminable

bailleurs de fonds tous ces oiseaux qui sont venus nous ficher l'aube au
corps un matin
rupture des prisons blessure ardente au cadavre blêmi de la ville
il nous fallait ces cris d'avril tous ces miroirs en feu aux lèvres du
ciel émigré sur nos toits
pour forcer l'hiver et la mort jusqu'au plus obscur de nos os
pour y raviver l'étincelle aux reins de tout un peuple enfin radiant
l'espace de chemins guerriers

ah blé chaleur et table épaisse rituel
des sols noirs et gras tout le ciel
d'un jet dans nos labours
ah la danseuse incendiaire au long du fleuve
artériel notre corps notre été retenti
jusque dans la moellel'espace
notre patrimoine sous les quatre épées du vent
et les forêts les banquises les gulf-stream
cinglant l'horizon de nos semailles
l'infini au poignet tournemain des étoiles
NOUS rançonnerons aux cents nuits
la TERREQUÉBEC
l'immense berceau des glaces
le profond dortoir des astres nickel et cuivre

ta parole épée dressée sur nos arpents

ton corps lié aux fureurs de l'étoile

aux messageries du jour la rupture de l'acier

relance ton assaut dans la foudre et le sang

tous les dieux tonnent dans tes muscles

ravis l'épouse et les jardins sème l'été dans nos actes

sème la saison des égaux dans les nerfs et les usines

cravache les sommeils ravive la blessure aux fronts
des foules serves

ARME LES NUITS D'UN PEUPLE

.

PAUL CHAMBERLAND

.

apres-midi_davrilG_12

Oeuvre Suzor Coté

 

 

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