UNE MEMOIRE POUR L'OUBLI ...Extrait
Quand je croirai qu’il m’est donné de croire
Que ces deux lèvres sont ouvertes pour moi.
Pour qui, sinon ?
Pour une voix surgie d’une constellation lointaine.
Sais-tu que tes yeux peuvent donner à la nuit
Les couleurs que tu veux ?
Embrasse-moi !
La pluie derrière la vitre, une braise de l’autre côté.
Pourquoi faut-il qu’il pleuve autant ?
Pour que tu restes en moi...
Le plaisir naît du plaisir.
La pluie qui ne cesse, un feu qui ne s’éteint,
Un corps qui ne finit.
Un désir qui disperse les ombres et les membres.
Nous ne dormons que pour être éveillés
Par le sel assoiffé de miel,
Par l’odeur du café à peine brûlé
Par les embrasements du marbre.
Glaciale et torride est cette nuit,
Glaciale et torride est cette plainte.
Me brûle une soie que rien ne peut froisser,
Qui se tend davantage chaque fois
Qu’elle rencontre ma peau et crisse.
L’air est une pelote d’aiguilles,
Caresse humide et tiède entre mes orteils,
Sur mes épaules comme une vipère
Qui se dresse et siffle sur les braises.
Une bouche qui dévore les présents du corps.
Ne reste de la langue que le cri
De la chambre close
Où s’ébattent des animaux familiers.
Mort que nous nous donnons l’un l’autre,
De l’autre côté de la fenêtre.
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MAHMOUD DARWICH