PAROLE D'OISEAU
Parfois on me reproche mon air absent. Je pourrais répondre que je suis ailleurs. On me demanderait où ? Les gens qui nous aiment ne lâchent pas le morceau jusqu’à ce qu’ils obtiennent une réponse. Est-ce qu’ils écoutent vraiment cette réponse ou juste le bruit qu’elle fait dans leur oreille. Ils veulent le bruit d’une réponse pour nous savoir encore en vie. Je me souviens d’un homme qui travaillait sous terre le jour et parlait à ses oiseaux, soir et matin. Au crépuscule et à l’aube. Au mourir et au lever du jour. Il leur parlait avec ses doigts en écartant leurs plumes. Il leur parlait avec ses yeux en lissant leur jabot. Il leur parlait avec son silence d’homme du fond de la terre. Un jour, cet homme, mon grand père, a doucement fait glisser le duvet de leur cou pour me montrer le trou de leur oreille. Il n’a rien dit. Mais ses yeux semblaient chuchoter : « Tu vois, ils entendent. Et c’est pour ça que je me tais. » Du haut de mes huit ans, j’aurais pu lui répondre : « Mais c’est dommage, tu as tellement de choses à leur raconter. » Il aurait haussé les épaules puis hoché la tête et je sais exactement ce qu’il aurait pensé : « Si je leur parle, je vais les alourdir, ils vont voler moins vite. »
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DOMINIQUE SAMPIERO
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Oeuvre Marc Chagall