PSAUMES...Extrait
Je t’aime, ou ne t’aime pas.
Je pars, je laisse derrière moi des adresses susceptibles d’être égarées.
J’attends ceux qui rentrent. Ils savent les heures de ma mort et ils viennent.
Tu es celle que je n’aime pas lorsque je t’aime.
Les remparts de Babylone sont étroits le jour,
vastes sont tes yeux et ton visage se répand dans la lumière.
Comme si tu n’étais pas née encore, que nous n’étions pas encore séparés et que tu ne m’avais pas mis à mort.
Et sur les toits des tornades, toute parole est belle et toute rencontre un adieu.
Et ce qui est entre nous est différent de cette rencontre.
Différent de cet adieu.
Je t’aime ou ne t’aime pas.
Mon front me fuit, je sens que tu n’es rien ou que tu es tout
et que tu es susceptible d’être égarée.
Je te désire ou ne te désire pas.
Le murmure des ruisseaux est en feu dans mon sang. Un jour je te verrai.
Et je partirai.
J’ai tenté de regagner l’amitié des choses disparues. J’ai réussi.
J’ai tenté de me vanter de deux yeux pouvant contenir tous les automnes. J’ai réussi.
Tenté de dessiner un nom qui sied à un olivier autour d’une hanche.
Alors l’étoile engendra l’étoile.
Je te désire lorsque je dis que je ne te désire pas…
Mon visage s’est effondré. Un fleuve lointain dissout mon corps.
Au marché ils ont vendu mon sang comme du potage en conserve.
Je te désire lorsque je dis que je te désire,
femme qui a posé le littoral méditerranéen dans son giron… les jardins de l’Asie sur ses deux épaules…et toutes les chaînes au fond de son coeur.
Je te désire ou ne te désire pas.
Le murmure des ruisseaux, le bruissement des pins, le grondement des mers et le plumage des bulbuls sont en feu dans mon sang.
Un jour je te verrai et je partirai.
Je te chante ou ne te chante pas.
Je me tais. Je crie. Je n’ai pas d’heure pour les cris, pas d’heure pour le silence.
Et tu es le seul cri, l’unique silence
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MAHMOUD DARWICH
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