LE GAMIN DE PIETON-VILLE
Quand j’étais un p’tit gars
Que je récitais à haute voix
Et à tue-tête
Mes leçons d’histoire
Avec fierté je répétais
Nos ancêtres les Gaulois
Quand je n’étais qu’un gamin
Je connaissais Gengis Khan
Les Goths et les Visigoths
Je pouvais parler d’Attila le Hun
Comme si je l’avais suivi
Sur les champs de bataille
La guerre de Troie
Avec le feu dans le camp des Grecs
N’avait pas de secret pour moi.
J’étais donc un p’tit gars brillant
Mais je ne connaissais pas Toussaint Bréda
Le génie de la race
Je n’avais jamais entendu parler
Du grand Jean-Jacques Dessalines
Alexandre Pétion et Henri Christophe.
Les boulets sont des poussières
De Capois Lamort
J’étais p’tit gars
Je ne connaissais pas
Dumarsais Estimé
L’illustre paysan de Verrettes
Et depuis, les années ont passé
J’ai appris à connaître
Me Seymour Pradel
Le prince de la jeunesse
Me François Moïse
Fleuron du Barreau
De Port-au-Prince
Martin Luther King
Qui avait un rêve
Jacques Roumain
Gouverneur de la rosée
Nelson Mandela
Le pourfendeur de l’apartheid
Barak Obama
J’ai connu la dictature
La plus obscurantiste
J’ai vécu l’exil qui est impie
Je me suis enfui
Pour sauver ma peau
Je ne suis donc plus un p’tit gars
Je rêve pour mon pays
De reconstruction et de refondation
Je ne suis plus un gamin
Je connais mon arbre généalogique
Qui me renvoit
Au premier colon géniteur
Mais, mon arrière grand-mère
La superbe Négresse
Engrossée malgré elle
Motus et bouche cousue !
J’en sais des choses maintenant
Et pas des moindres
Pourtant l’essentiel me fait défaut
A moi et à tous les gamins
Qui ne sont plus des p’tits gars
L’essentiel pour eux et moi
C’est d’être en tout temps
Et en tous lieux
Des Haïtiens à part entière.
SERGE H. MOÏSE