COMME SI
Poids de terre
ou de mousse
à soulever à refuser
Pourvu que l’on garde
entrouverte la porte
et cette vibration partagée
que l’on n’ose nommer.
Pourvu que l’on frappe
à poings serrés à poings noués
pourvu que l’on soit.
Miel amer.
Abords du fleuve éboulés
duvets de pollen
posés sur le temps
et cette nuit qui pèse
silences ou rumeurs
peu importe,
il faut faire comme si…
Pourvu que la porte
soit entrouverte
et que les vents se pressent
pour balayer pour bousculer.
Pourvu que l’on ne se taise jamais.
Le soleil filet d’or
posé à peine
sur les vagues végétales
d’une forêt mythique…
Il faut faire comme si
on pouvait jongler
avec la vie
marcher à pas de velours
pour ne pas éveiller
ce qui sommeille
au tout profond
en nous.
Peut-être ce poids
d’argile et d’humus
nous bâillonnant ?
Il faut faire comme si
on ne voyait pas
la main telle une aile
qui s’éloigne sans saluer.
Pourvu que l’errance
trouve voie ouverte
pourvu que le fleuve
ne gronde plus
comme une âme.
Les mots soudain dépassent
les voix sans empreintes
sans raison ni écho
voix trop lointaines
pour nous happer
pour nous toucher.
Il faut faire comme si
la parole ardente
du petit semeur d’étoiles
au cœur troué
venait de naître à nos pieds.
Il faut faire comme si
les jours
telles des abeilles lourdes
passaient sans s’attarder.
Poids de terre
et d’argile
à repousser à refuser
et ce qui grince en nous
au-delà de nous.
Les tumultes
diront la vendange rougie
le sang marqué souillé
la terre de mille pas
enfin alourdie
les ombres trop étroites
de mille pas
enfin écrasées.
Nous ferons comme si…
à cloche-pied
sur une marelle
imprécise.
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AGNES SCHNELL
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Photographie Ebru Sidar