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EMMILA GITANA
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1 février 2016

LA MORT A DISTANCE

Il me faudra partir, je le sais, avec dans les yeux de la mémoire, les images presque effacées de ceux qui ne sont plus. Déjà leurs gestes, leurs visages, si je n'y prends garde, se brouillent lentement, se confondent. Je prête à l'un le sourire de l'autre, j'oublie la chaleur de ce bras, le parfum de cette chevelure. J'oublie, mais rien ne s'éloigne. Je suis seul, et je suis cerné par les ombres. Je marche, entouré de rumeurs. Ce qui devait se perdre sous la terre, ce qui demeurait pris dans sa minute ultime et son lieu, a regagné le royaume de l'invisible, et là, comme épargné par l'usure des heures, ce qui devait mourir persiste et se prolonge et me poursuit. « Je suis l'ancêtre du souvenir », ai-je fait dire à ce vieil homme qui cherchait sa fille. C'était encore parler de moi avec trop d'orgueil. Je ne suis qu'un veilleur, j'attends que vienne au matin la relève et que je puisse enfin m'endormir. Mais eux, qui ne sont nulle part, qui ne possèdent plus de forme ni de figure, comment ne pas entendre ce qu'ils réclament, une place, fût-ce la plus petite, dans l'histoire de mon corps et de ma pensée ? Et que je chancelle sur le chemin, leur importe peu. Que je me détourne, ne fait que les rendre plus avides, et cette femme qui m’attendait chaque jour entrouvre, une fois encore, la porte bleue.



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CLAUDE ESTEBAN

 

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Alain preault2

Photographie Alain Préault

 

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