LA PRISON DU CIEL
N'être pas même
trace de sa pensée
− ce désespoir d'avoir
dépensé son dernier nuage −
Seulement
le sujet d'une biographie
entre fable & aveu
cherchant un verbe de passage
une occasion d'appareiller
pour aller fonder l'Acropole
de quelques volées de vocables
& d'oiseaux mangeurs de soleils
*
Naître en prenant le temps l'espace
comme on prend un train pour ailleurs
pour des vergers comme des pages
d'abeilles butinant le blanc
quand l'allégresse des enfants
surgit de la légende fraîche
du linge qui gifle le vent
*
Le sens de quel effacement
Le sens pensé par effraction
de quelques mots surpris
d'un silence peut-être
Attendre dans ces odeurs
qu'embrouillent les papillons
tournant autour d'une mort
qu'on ne veut pas s'avouer
Puis retrouver l'émoi
des soleils réciproques
& retourner les pierres
débourber de sa nuit
avec l'aube des mains
le peuple des cloportes
*
Cette ville insensée
Le cérémonial des passants
au néant de ce non-soleil
Et pour n'être pas rien
pour ne pas m'effacer
ces mots de mes deux langues
gardés tout près de l'âme
Être enfin libéré
de ce pays pris dans décembre
Frêle idole déambuler
dans la fraîcheur veinée de voix
mettant la vie en feuilleton
Craindre encore
la prison du ciel
*
Quelqu'un
comme une maison vide
une solitude
où se perdrait sans doute
le monde
ce qu'il reste de mots usés
jusqu'au cœur
d'inachever l'enfance
.
RAYMOND FARINA
.
Oeuvre Andréa Costantini