JERUSALEM
Encore une fois regarde
et ne retourne plus.
Une fenêtre au-dedans,
grande ouverte sur l’Étendue.
Tu n’as pas besoin de te retourner,
partout c’est l’Ouvert à cette heure,
là-bas ici , même ce qui n’a jamais commencé.
Lumière gris-rose de poumon qui enfle entre les doigts
cherchant toujours un fond, des limites,
qui le retournent pour chercher le secret,
la membrane grise de l’amnios fissurée
l’incertitude entre l’aube et la nuit.
Odeur de la vie, enflure d’un bourgeon
dans l’arbre se dépliant à l’infini– Le jasmine s’éclaire –
deux ou trois gouttes sur le sol – là-bas le figuier nu, la peau tendue par l’hiver
et voici l’amandier déjà couvert de pousses
la sève impatiente à ouvrir ses volets
un battement plus vite de nuits blanches
serrées sous l’écorce, dans la chair –
Sous les pins à gauche la mangeoire vide
par terre des moineaux se disputent le crottin
plus loin des corneilles qui houspillent le chat
allongé sur le mur de pierres sèches
sur le mur qu’enjambe le souvenir
pour rejoindre là-bas la même lumière
d’un seul tenant qui ouvre l’étendue –
parler encore à ces vieux compagnons
de montagnes usées par tant de clarté
là chaque matin sont consommées les noces
du rayonnement et de l’usure d’une terre désolée –
inventer une musique faite seulement
de ce rien qui respire entre contraires
entre un battement du cœur
et le battement d’une aile
la fin et l’infini -
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LORAND GASPAR
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Photographie François Trinel