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EMMILA GITANA
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6 mars 2016

AMITIE EQUIVOQUE

D’une nature plutôt curieuse, il avait été intéressé par l’arrivée de l’étrangère, dans le foyer d’accueil où il logeait depuis quelques années.
Personne ne l’avait averti du changement. Il ne savait ni qui elle était, ni d’où elle venait, ni qui l’avait présentée. Elle s’était installée alors qu’il était absent.
Cette jeune vie avait changé toutes les habitudes de la maison : les enfants étaient distraits et se disputaient les faveurs de l’étrangère, les parents s’inquiétaient de son bien-être, de son confort. Et lui, le vieux garçon un peu bougon, était subjugué.
C’était une belle fille, menue mais élancée, élégante. Peut-être un peu trop pâle, mais si vivante, si présente. Lui était fort, vigoureux. Il mettait de l’ardeur dans toutes ses entreprises.
Il aimait la nature, les longues promenades solitaires, la nuit, mais il appréciait aussi la chaleur douillette de la maison, la bonne chère, les soirées calmes dans sa famille d’accueil.
Elle était plus casanière ou plus peureuse.
Gourmande, elle mordait la vie.

Ils communiquaient peu, ils n’avaient pas le même langage. Ils s’observaient et s’admiraient mutuellement.

Elle aimait danser. Lui, l’observait, les yeux mi-clos, dans une attitude de grande méditation. Elle se savait attirante et évoluait, légère, rapide, tournait, virevoltait devant lui, le frôlant presque pour le taquiner, pour le séduire. Elle était décidée et voulait le troubler, mettre un peu de piquant dans sa vie de vieux garçon.
Plus les jours passaient, plus il devenait évident que le lien qui les unissait devenait puissant. Leurs hôtes étaient perplexes, à la fois attendris et inquiets. Ils comprenaient mal cette amitié, cette attirance, cette passion naissante. Ils ne voyaient pas d’avenir commun pour ces deux êtres si différents.
Un matin, elle a disparu. Elle avait quitté sa chambre sans se faire remarquer.
Très inquiète, toute la famille se mit à la recherche de l’étrangère qu’on leur avait confiée.
Elle les avait conquis par sa grâce, sa drôlerie, ils s’y étaient attachés. Ils en étaient responsables aussi.
Ils menèrent une rapide enquête de quartier. Personne ne put les renseigner.
L’angoisse gagna toute la famille quand un des enfants découvrit de minuscules gouttes de sang sur le seuil de la chambre. S’était-elle blessée ? Quand ? Où ? Comment ?
Ils mirent plus d’ardeur encore dans leurs recherches. Lui ne s’y mêla pas.
On aurait dit qu’il était insensible, soulagé peut-être du départ de celle qui avait troublé sa quiétude. Il posait sur tous un regard froid, indifférent lorsqu’ils racontaient leur quête.

On le soupçonna. On l’accusa. Il n’avoua pas. Il se retranchait dans le mutisme.
On ne trouva jamais de preuve de sa culpabilité. Mais pour ses hôtes, elle était évidente.
Il garda le secret : cette petite était mignonne à croquer, il l’avait donc croquée. Il n’avait jamais dégusté une telle souris de laboratoire de toute sa vie de chat !

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AGNES SCHNELL

 

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chatsouris2,

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