De Ghjottani, marine, ce matin
" Noire la plage étrillée écume blanche blanches
les striures de la montagne creux de neige inviolés
gris le Dorsoduro de la Balagne mer argent mêlée
de froideur et de lave noir l’acier dur d’un coeur
sans larme île frileuse tremblée dans ses lignes
menaces enroulées à ses pentes flocons
fluides incrustés branches de bruyère fils cendrés
et
grappes de dentelles l’Eolie de Morsiglia plane
dans son rai de lumière en suspens de départ
le ciel se gonfle dures eaux retenues engorgées
sur la mer silences routes sablées salées sabrées
quel mot pour dire ça grise sous les pas sous la dent
dure grince crisse là-bas en creux d’éboulis
pierres écroulées sous les coups de
l’île frissonne bleue dans son cresson de cistes
étrillés sous la neige plumetis blancs que
rien n’abîme pas même un souffle d’air et
moi traversant l’hiver jour de blancheur
balles de cotons voletant sur l’écume
quelle légèreté soudain me grise
quelles ailes me portent
à l’autre bout du ciel il neige mais les montagnes
ici ont enduré le froid et la mer couve
ses secrets sous la tôle d’ondes noires apesanteur
de mots apesanteur du moi les morts dorment
à l’ombre de l’hiver tombes de marbres
lissées par la pluie clapotis doux qui berce
la pensée vibrations de mots envols conjugués
au temps en attente de sons agglutinés
sans qu’aucun n’échappe fibre d’air léger
rougeoyant sur la langue sans espoir d’éclosion
sons délaissés au fond des gorges tenus
serrés sous l’aplat d’une pierre grésillement têtu
de la flamme crépite sur l’horizon de feu le temps
détruit scarabée avaleur de minutes qui me roulent
vers ma fin je cherche comment déroger à
la loi j’élargis mon espace bandes d’amours-accordéon
plis contre plis d’un amour l’autre coeur
brisé et cet autre quels mots pour le dire
ressac de mots inchangés qui bercent
régularité de la vague des mots !
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ANGELE PAOLI
Editions de Corlevour
avril 2015
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Photographie Thierry Raynaud