CE QUE JE DOIS AU FROISSEMENT DU THYM ( Hommage )
Les choses sont là et je suis à elles, absentes ou sous mes yeux. Ainsi je nais au chèvrefeuille en plein soleil, à l'escargot sous une acanthe un jour de pluie, au figuier dans la pénombre. Et dans les plis ombre et lumière jaillit comme un défaut, un manque ; l'air vibre, l'horizon, tout soudain, c'est l'absence de toi, de toi à l'instant si lointaine. Le sang cherche à régler son pouls, le paysage que tu enrobes se déploie, inflexions bombements buissons sillons rivière, les remuements du cœur dans les frissons du frêne, ciel lavé, large plage mouillée. Sans doute, le cosmos ne se met plus en place avec le coq de la girouette, mais le sillage de ton parfum comble mes mains du somptueux de tes reins, et mon regard de toi, dénudée yeux fermés. À vue perdue, la nuit esseule, tant que l'aube de ta chair ne luit pas comme, de temps à autre, aux confins de l'espace aimanté, le silencieux essaim de galaxies opales.
Alors, les mots éclosent à nos lèvres pour agréer le vivre, conjurer sa fêlure et dire ses baisers ; ses saveurs de miel de sel de houblon et de fraise, celle des algues fouet des sorcières ; ses sourires de fontaine, ses voyages d'encre ; sa précaire profusion.
Je reprends pied dans le réel.
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FRANCOIS LAUR
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Oeuvre R. Demachy