JONGLEUR DE TEMPS...Extrait
Puisque des murs se lèvent autour de l’homme, des murs que construisent à la hâte mensongère ceux qui vivent dans la peur qu’une parole plus forte qu’eux ne vienne abîmer leur volonté de se restreindre puisque tant de murs se lèvent autour de l’homme que le monde lui est devenu une prison multiple et dure, il est bon que l’homme qui a souffert les restrictions que d’autres lui imposent vienne toucher, tangible et toujours présent, ce Mur, ce Mur qui résume et englobe tous les murs. Murs devant l’enfance vive et gaie, murs devant l’être jeune qui s’apprête à la joie, à l’amour insouciant, murs devant l’inaltérable soif de savoir et de devenir, murs devant l’appréhension de l’être jeune de se libérer de la contrainte, murs devant la volonté de dépasser l’incertitude du lendemain, murs devant l’homme sentant en lui vibrer la commune mesure qui lie les hommes à la terre, et la terre au paysage et le paysage qui retourne à sa vue, murs devant la femme qui désire enfanter et revivre dans sa tendresse les joies qu’on lui refuse par de subtiles manœuvres , invisibles et cruelles, murs devant la joie, devant l’accomplissement de la pureté du désir, murs devant la beauté, l’air frais et la réalité du monde extérieur, , murs devant la vérité à peine soupçonnée qui pourtant se dresse toujours au-delà de ces murailles, murs, murs, murs, je vous ai vus tous réunis en un seul mur au pied duquel nous fûmes vaincus, au pied duquel chaque jour encore nous sommes vaincus, qu’importe car la solitude devant les murs qu’on a bâtis autour de chacun d’entre nous, c’est pour que nous voulions nous réunir et les abattre et derrière eux il y a la certitude et la lumière et l’objet de cette liberté qu’avant tout au monde il importe de ramener au rang des choses familières.
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TRISTAN TZARA
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Brooke Shaden Photography